© Le cycle de l'Austrel, tome second : Notre Sauveur, des écrits de Yves Philippe de Francqueville, pirate des mots et philanalyste. cinquième partie.
[Dans La pénombre, Étian est là assis, enfumé… mais toujours suffisamment conscient pour la dispute.
Il pleure.
Tomas s’approche.]
ARTISTE, LEVE-TOI !
Il passe et puis s’efface, ombre d’un paysage.
Il se fond, se confond, ne sachant prendre vie
D’une nature infâme en un siècle sans âge.
Il a rejoint la terre, étouffé son envie...
Bien étrange destin de naître pour mourir :
Être un frêle navire emporté par les vents,
Subir le fort courant sans ramer puis périr,
Englouti par la mer, sous les yeux des vivants...
Il est las, il sanglote, accablé de l’opprobre :
Ainsi s’offrent les jours et les nuits du falot.
Rien n’a pu l’éveiller, mais il charge le sobre,
Il maudit l’insensé qui lutte dans tout flot...
Oh ! Vous ! Face à ce vil instrument de ma peine,
Êtes-vous des seigneurs, appelés aux combats,
Lorsque le glas vous somme à chercher l’âme vaine,
En prise au désespoir de se trouver si bas ?
Comment se contenter de ces petites morts ?
Aidez-moi ! La victoire est à qui la saisit
J’oserai dire à l’homme, infirme du remords :
« Ami, force le temps, dévoile l’hérésie !
Demain n’existe pas… hier s’écrit mensonge.
Aujourd’hui semblerait le reflet du trépas,
Mais l’existence humaine est bien autre qu'un songe :
Artiste, lève-toi… trace tes propres pas » !
[Étian pense voir Yeph.
Les deux personnages ne dévoilent que leurs ombres.]
(Tomas) : - Pourquoi ne te laisses-tu pas faire ?
Étian : - Tu sais, Yeph...
(Tomas) : - Hum…
C’est difficile de savoir…
Dis-moi ?
Tu existerais peut-être davantage dans l’abandon de tes certitudes.
Chercher simplement sans se soucier de trouver ?
Oserais-tu enfin créer sans autocensure ?
Étian : - Non, j'ai peur d'être jugé.
Mes réalisations choquent, je ne puis révéler tout mon être…
Et le manque de vérité m’affaiblit.
Cela m’épuise… me pousse à la mort !
(Tomas) : - Si tu continues à combattre la peur de l’insécurité en la nommant ainsi : il est vrai, ta fin est assurée dans la misère, la peine et surtout la médiocrité.
Pourquoi ne pas accueillir ce que tu es ?
Étian : - C’est insupportable.
(Tomas) : - Inacceptable plutôt… aux yeux du monde en fait.
Tu as peur de laisser jaillir ton œuvre selon ta totale liberté.
Si la réalisation est appréciée ou adulée, l’artiste peut être maudit !
Rarement apprécié par jalousie, il est généralement rejeté, vite oublié.
Parfois certains de ses semblables, capables de saisir le génie créateur osent la rencontre…
Étian : - Si vous saviez...
(Tomas) : - Nous ne savons pas grand-chose !
Pourtant, nous sommes à côté de toi.
C’est ainsi que tu es aimé.
Et Chris par exemple a tout tenté pour que tu remarques son intérêt pour toi !
Étian : - Il n’était pas honnête…
(Tomas) : - Ah…
L’image avec laquelle tu joues est bien pâle.
Nous te préférons tous dans ta petite vérité, sincère.
Je crois que tu seras enfin capable de créer sans tricher — pour feindre d’exister — le jour où tu tenteras par toi-même de communiquer en compagnie d’individus solitaires quoique solidaires[i], dont tu n’acceptes toujours pas l’offre.
Étian : - Je n’en ai pas l’envergure.
Toi, comme Chris, et les autres, les exclus, vous êtes si... si...
(Tomas) : - Si naturels ?
Étian : - Non !
Vous allez finir par tout détruire...
Regarde comment est Tomas maintenant : malade, minable…
Il te ressemblait tellement : hors du monde, du temps… absorbé par les livres et cette quête de l’idée du beau dont tu faisais école !
(Tomas) : - Non !
Tomas n’est la copie de quiconque !
…Si ce n’est parfois une projection illusoire des personnages de ses lectures...
Cependant je crois qu’il devient peu à peu lui-même comme il ne le souhaitait pas — comme il ne veut toujours pas l’être — car cette fichue maladie est bien liée aux dégâts causés par la greffe.
Tomas, avant de croiser Yeph — pardon, de me croiser — était un peu comme toi, dans la peine et la souffrance d’une solitude affective...
Il cachait cela par un orgueil démesuré !
Mais il était tout sauf médiocre.
Ensuite, dans la Cité, sa destruction totale fut proche.
Avec une greffe seconde, la vie ne valait plus la peine.
Son corps a malheureusement trop lutté contre les expériences des docteurs du Centre.
Ils voulaient à tout prix — ces médecins tortionnaires sous les ordres de l'Archyeur — éradiquer les mécanismes, révélés par notre gémellité.
Tomas n'est plus aujourd’hui qu'un être meurtri, dont le cortex présente une dégénérescence évolutive… avec bien peu d’espoir d’une guérison.
Ici, loin de l’Archyeur, si tu es en bonne santé, tu gardes encore quelques chances.
Étian : - Des chances pour quoi faire ?
Tu veux me laisser croire qu’il est possible de communiquer dans ce monde où il n’y a quasiment que des êtres incapables de me comprendre ?
Je n'ai croisé personne sachant vibrer comme moi face aux visages croisés, aux parfums… au sublime qui mêle mon rire aux larmes.
Ma sensibilité est si...
Si...
(Tomas) : - Oui, je pense savoir...
Étian : - Tu sais quoi ?
Alors que je ne me connais même pas ?
(Tomas) : - C’est sûr, en t’enfumant ainsi…
Ta fuite est facile !
Plus de question, donc plus d’angoisse à la réponse !
Continue, fume…
Tu te crois libre, tu n’es que léger !
Encore quelques temps et tu seras par tes actes, l’égal de Tomas.
Lui désespère de ne plus saisir le sens de la vie par le jeu des médecins qui l’ont massacré, et toi… tu préfères te présenter en cobaye volontaire !
Ces drogues plus ou moins légales — tout comme celles des laboratoires pharmaceutiques — sont idéales pour rendre stupide, et participent pleinement à la dégénérescence cérébrale.
La Cité appréciait — en discrétion — la consommation pour ses sujets afin de les lobotomiser plus vite !
Sur les Bases, je pensais que tout le monde avait compris… et que tous et chacun rejetaient ces poisons de l’esprit, du corps et aussi du cœur…
Et je te vois te détruire…
Par lâcheté peut-être ?
Par peur de te découvrir ?
Tu refuses de te connaître toi-même !
Triste !
Étian : - Parce que je souffre trop, cela soulage mon âme… trop seule.
Personne n’imagine qui je suis...
Pas même moi !
Avec Tomas, vous avez la chance d’être heureux et complices.
Vous vous aimez…
Ce n’est pas juste !
Je vous envie...
(Tomas) : - Tu nous jalouses surtout !
Pourquoi ne cherches-tu pas simplement cette âme sœur qui te ronge par son absence ?
Alors, tu saurais nous aimer sans vouloir une place qui n'est pas la tienne.
Étian : - Y aurait-il sur cette terre un être qui sache me trouver et m’aimer...
Et que j’aime ?
(Tomas) : - Tu dois le construire, le faire naître en toi-même et peut-être le verras-tu surgir devant toi.
Lorsqu’il sera, ne sois ni surpris, ni déçu...
Ne sois ni trop fier, ni trop craintif.
Face à toi, il y aura ce que tu es, ce que tu ne sais pas ou ce que tu n’oses accepter en toi.
Alors, ta vie prendra sens, mais sache que naturellement tu commenceras un nouveau combat : la lutte entre toi et lui, pour exister seul, pour devenir ce que tu es.
Cet autre tant cherché peut même devenir l’ennemi... celui qu’il faut supprimer pour t’unifier de nouveau en sachant alors qui tu es.
Étian : - Non !
Non, Chris… euh Tomas…
Pardon, Yeph…
Comment peux-tu dire cela ?
Impossible…
Parce qu’il est moi, si je suis lui...
L’unité nous assure un amour sans limite et éternel[ii].
(Tomas) : - Bien sûr !
Cependant, l’autre implique un échange qui dévoile notre inachèvement.
La présence d’une partie de soi, volontairement issue de notre moi, posée devant nous afin de permettre une communion... crée finalement un manque continuel.
Nous serons achevés lorsque l’autre sera de nouveau nous-mêmes.
Est-ce d’ailleurs cette absence qui nous apporterait la pleine conscience de notre être ?
Étian : - J’en mourrai alors...
(Tomas) : - C’est peut-être la finitude d’une vie...
Étian : - Tu veux dire que tu souhaites la mort de Tomas ?
(Tomas) : - Pas exactement...
Moi, non...
Quoique ?
Je pense que dans le conscient caché par notre pudeur, il y a la force de destruction de celui qui ouvre les portes de notre propre vérité.
Étian : - J’ai perdu déjà tant de ma pauvre vie à lutter contre moi.
Tu oses m’annoncer que ma quête serait de trouver l’autre qui perçoit ce que je suis, pour le combattre alors.
Comment saisir tes propos morbides ?
(Tomas) : - Sache que cette démarche du cœur — cette guerre sur le néant — te permet d’offrir au monde la création tout entière dévoilée dans tes œuvres.
Étian : - Mais Tomas... pardon, Yeph, es-tu certain de croire ce que tu penses ?
(Tomas) : - Ah ! Ah !
Ah, ah, ah…
Je puis te rappeler cette question célèbre dont l’absence de réponse conduit bien souvent à la mort :
« Qu’est-ce que la vérité[iii] ? ».
Ta propre croyance doit jaillir de tes entrailles !
Tu seras ainsi dans ton monde, différent du mien... À moins que tu ne laisses l’autre prendre le pouvoir sur tes décisions, si le Plark du Mont Rouge daigne t’accueillir !
Étian : - Cet espace de paix m’offre une réelle fraternité…
Devrais-je t’écouter ?
Rejeter l’appel ?
Si je préfère ton analyse et qu’elle me conduit à la perte… alors que l’on m’offre l’espoir d’une éternité ?
Chris semble de ton avis, mais je pense qu'il parle en ton nom…
(Tomas) : - Oh, c’est insupportable !
Peux-tu considérer mon petit frère comme un être libre de toute influence ?
Chris est mille fois plus libre que toi…
Ne joue pas au miroir avec nous tous, en nous accusant de tes propres faiblesses !
Nous recherchons le meilleur de nous-mêmes, pas de suivre un nouveau dominus quelconque, maintenant que nous sommes enfin libérés des dieux et des Austrels…
Alors que toi… es-tu encore le maître de tes choix ?
L’as-tu seulement été le moindre instant ?
Le Plark est un pari comme un autre : celui de frustrer tes désirs du jour pour une gloire proposée dans un demain incertain.
Souhaites-tu vraiment encore perdre toute liberté de penser par toi-même ?
Regarde, depuis la nuit des temps… où nous mènent les idéologies ?
Étian : - Que proposes-tu de mieux ?
Es-tu prêt à les détruire par la révolte ?
(Tomas) : - Oh non, surtout pas !
Elles se construisent et s’oublient depuis tant de siècles sur les ruines d’autres croyances imposées par des seigneurs avides de sang…
L’une chasse l’autre pour être combattue par des peurs similaires !
Toute révolution donnerait la primeur à quelques hérauts d’une religion nouvelle dont tu t’accorderais à reprendre les chaînes.
La fraternité qui t’est proposée au Plark semble un jeu subtil d’amour d’amitié qui serait fiable en théorie.
Tes supérieurs ont hélas oublié dans la pratique un petit détail à l’existence humaine : le corps sexué.
Étian : - L’animalité peut être maîtrisée, dominée et gérée dans une paix sereine…
Nous avons la prière.
(Tomas) : - Notre corps a besoin de dévoiler et parfois de sublimer ses pulsions.
Le sexe en est probablement l’élément principal.
Prie tant que tu peux… Rien n’y fera…
Ton corps a ses raisons que ta raison ignore !
Étian : - Non !
Je ne peux pas te suivre dans ce chemin de perdition…
Dans notre monde où l’homme est en sursis face aux générations futures, nous ne pouvons pas laisser la sexualité nous dominer pour avoir la primauté sur l’amour et l’amitié.
(Tomas) : - Alors rejoins vite tes semblables au Plark du Mont Rouge.
Tu identifies malheureusement la relation amoureuse à la procréation !
L’amour est sexué sans pour autant se lier à la nécessité de poursuivre la race : là, dans ton propos, c’est une définition du simple état animal qui subsiste en nous !
Oh, et puis…
Tu as raison : oublie la jouissance du sexe, c’est-à-dire ta capacité au goût, à l’ouïe, au toucher, à la vue, à l’odorat…
Perds donc les sens et ta créativité : rejoins ces frères angéliques…
Éteins le génie qui s’éveillait en toi !
Quelle dramatique réalité de l’humain si l’on suit vos règles : dans l’avenir que vous promettez aux parfaits, les élus présenteront un corps dit “glorieux”…
Vous êtes stériles à tout !
Vous avez donc un rejet total ici et ailleurs — aujourd’hui et demain — du plaisir[iv].
Votre programme ? Non, merci.
L’attrait de l’autre est bien inscrit dans ma mémoire comme dans mes gènes.
Va vite t’enfermer à tout !
Prêche donc la grâce et le salut, sans revenir à la vie !
Avec très peu de volonté, tu ne remarqueras pas ceux qui courent et ceux qui se meurtrissent de ne plus vouloir courir…
Tu te voileras la face à cette misère explicite des interdits frustrés qui s’épanchent dans d’autres interdits bafoués…
Tu ne verras pas le frère qui pleure sa passion pour celui qui est amoureux d’un autre et n’ose se l’avouer[v]…
Les prières te donneront en effet un premier temps l’énergie suffisante pour te protéger et ensuite, un fort utile espace de lamentations pour te pardonner d’être un mendiant d’amour blessé.
De chute en chute, d'espoir en désespoir, tu te trouveras malgré tout à rechercher là-bas ce que tu refuses ici même.
Nous, nous te proposions peut-être une autre folie dont la seule certitude est qu’elle t’ouvrait — dans la jouissance du quotidien — à méditer cette question : pourquoi vivre ?
Étian : - Pourquoi ?
Pourquoi…
Pour quoi ?
(Tomas) : - Cette réflexion donnerait déjà sens à ta propre vie !
Il n’est pas possible de dominer la faim dans la sexualité, mais l’amour rend l’harmonie possible… à condition que les deux êtres qui s’aiment se trouvent sur une ligne horizontale, sur la même onde, sans domination ou soumission, dans une ouverture proche…
Étian : - Je n’y crois pas…
Si je ne découvre jamais la raison pour laquelle je suis ?
Que je meure avant ?
(Tomas) : - Cette quête de l’impossible guidera finalement tes pas vers la connaissance.
Tu auras vécu cette grande aventure à travers l’inexistence du monde entier : un rêve...
…Où peut-être la mort sera-t-elle une étape dans ton étude ?
Il ne faut pas s’inquiéter de demain si aujourd’hui s’avère pleinement réalisé.
Étian : - Saurai-je alors percevoir la raison de l’instant qui m’est propre ?
(Tomas) : - Je l’espère pour toi...
Étian : - Ah, me connaître !
Je n'y crois plus…
Devenir ce que je suis...
Crois-tu vraiment que cela m’apporterait la joie, le bonheur ?
(Tomas) : - C’est là où — encore et toujours — la liberté offre le choix d’une pluripossibilité de routes.
Tu as le droit de la combattre, de la détruire... par le rejet de tout.
Tu peux refuser l’idée du beau.
Ta vie sera peut-être alors misère, suite et poursuite sans espoir, te menant à la déchéance, au médiocre, au rien...
Tu es libre aussi d’accepter tes rêves comme réalité ; mystère de ton univers plongé dans le monde.
C’est une folie qui te construit, où ton ultime dialogue avec l’autre jaillira de ce qui est unique en toi : l’œuvre d’art… un peu d’illusion de gloire éphémère pour sombrer aussitôt après dans un même néant !
Étian : - Tu me donnes soif, Yeph !
Soif de vivre... d’être avec toi !
Uni… tous les deux ?
Hélas, tu es exclusif avec Tomas.
Les suivants ne reçoivent que les miettes de ton amour.
Font-ils semblant de s’en contenter ?
Oui je suis terriblement jaloux de ne rien pouvoir gagner.
Tu offres trop à d’autres.
Je vaux beaucoup plus… c’est injuste.
Je m’ennuie.
SOLITUDE ET ENNUI
Je t’offre ma faiblesse en un jeu solitaire
Où chacun de mes coups révèle dans ces cris
Le désir d'être aimé, le bonheur de te plaire.
Je souffre tant ce jour de te savoir épris
Sans honte et sans remords d’un être sans dessein.
Oui, serait-ce briser bien des lois et des chaînes
Que d'arriver confiant pour saisir en mon sein
Ce visage rêvé lors de tes nuits sereines ?
Le monde est à gagner dans son immensité
Mais je ne puis sans toi rechercher la victoire...
J’en ai bien peu le goût, me trouvant limité
Dans la lutte, bien seul, à savourer ma gloire.
C’est un plaisir mort-né face à l’éternité...
Dévoile mes passions... que j’écrive l’histoire !
Où chacun de mes coups révèle dans ces cris
Le désir d'être aimé, le bonheur de te plaire.
Je souffre tant ce jour de te savoir épris
Sans honte et sans remords d’un être sans dessein.
Oui, serait-ce briser bien des lois et des chaînes
Que d'arriver confiant pour saisir en mon sein
Ce visage rêvé lors de tes nuits sereines ?
Le monde est à gagner dans son immensité
Mais je ne puis sans toi rechercher la victoire...
J’en ai bien peu le goût, me trouvant limité
Dans la lutte, bien seul, à savourer ma gloire.
C’est un plaisir mort-né face à l’éternité...
Dévoile mes passions... que j’écrive l’histoire !
Étian : - Aime-moi…
Oui… je veux partager ton corps !
(Tomas) : - Pardon ?
Tu souhaites me dépecer ?
Ah, j’ai bien compris que tu m’adores… comme l’ogre ou le croyant pour son dieu[i]…
Tu veux me dévorer par amour primitif ?
Tu te trompes : je n'ai pas d'exclusivité, soit…
Cependant ma liberté se veut constructive dans la rencontre, sans poser de hiérarchie dans l'amour…
J'ai le droit d'avoir mes goûts et mes couleurs sans être contraint de tout partager.
Je ne partage pas.
J’aime et je donne…
Je reçois parfois !
Laisse-moi s'il te plaît…
Je ne souhaite pas faire l’amour avec toi.
L’amitié que je te porte n’est pas empreinte du désir de ton corps.
Je ne couche pas avec toute la Base !
Tu es insupportable de jalousie et tu veux tout posséder… pourtant ta soif presque obsessionnelle me plaît.
Elle te donnerait la force de te rendre à la source qu’il te plaira de faire jaillir, si tu canalises tes envies en désirs.
Sache que l’eau se présente dans un puits profond, voire très ou trop profond… selon la résistance de chacun au plaisir créateur.
Il n’est pas assuré qu’au premier essai, ou même au deuxième, le seau revienne débordant d’un breuvage limpide...
Beaucoup ont tenté de puiser sans parvenir jusqu’à l’eau.
Ils sont partis penauds ou furieux.
D’autres sont même tombés, en se penchant pour voir si c’était vrai, si l’effort n’était pas vain...
Les cailloux jetés par les suivants, par dépit, par dégoût, les auront tués sans leur avoir donné la chance de mourir noyés de quelques vérités !
C’est une aventure hors du temps, de l’espace, de la réalité du monde… que d’espérer parvenir un jour à l’eau de la fontaine[ii].
Il est très seul celui qui marche vers sa vérité !
Étian : - J’ai peur...
Tu ne me trouves pas suffisamment beau ?
J'ai si peur…
Et si tu avais dit oui ?
Peut-être aurais-je su m’abandonner ?
Peut-être n’irais-je pas au Plark ?
Tu me refuses ton aide…
Tu ne veux pas de mon amour.
(Tomas) : - Oui ! Absolument…
Tu es insupportable de mendicité.
Je ne supporte pas les mendiants d’amour.
Tu as peur de tout et surtout… de ta peur !
Cela te condamne à être malheureux.
Je n’ai rien contre toi.
Ma distance à ton égard, si tu n’étais pas si égocentré, tu la comprendrais…
Je n’ai hélas plus suffisamment d’énergie pour t’aimer en vérité… t’aider aussi avec mon corps, mon cœur et mon esprit.
Tu ne penses qu’à ta petite personne, sans te soucier de mon état.
Étian : - Mais, Yeph…
(Tomas) : - C’est bon…
Je n’ai rien dit…
Contente-toi donc de mon dialogue, je termine !
Alors, malgré ce besoin réel de te diriger vers ta propre source, tu ne te lèveras jamais si tu as peur de tes peurs.
Assis, regardant avec envie, jalousie ou mépris ceux qui ont osé se mettre debout et tenter d’avancer... tu pleureras pour un jour te noyer dans tes propres larmes, au Plark du Mont Rouge.
Étian : - J’aimerais vivre, tu sais... mais si à chaque fois qu’au prix d’une déchirure, je m’élance vers un refus… comment pourrais-je persévérer ?
(Tomas) : - Oui...
Étian : - Que faire alors ?
(Tomas) : - Aller au-delà de tes frustrations, de tes complexes, de tes hontes.
Tout cela est illusion, voilant ta propre existence, parce que tu ne t’aimes pas.
Oh, et puis… Cela suffit !
Cherche quelqu’un d’autre, à harceler, voilà tout.
La peur de tes peurs, c’est la perte de ta liberté.
Elle fige tes sens et te mêle aux médiocres du monde dans lequel tu te plonges, impuissant.
Ton besoin de sécurité a fait de toi l'esclave volontaire du système.
C’est insupportable.
Étian : - Non !
Je veux être heureux…
Et je t’aime !
Mais je suis si fragile, si sensible !
Comment ne pas céder au confort de la Cité ou des Bases ?
J'aurais trop peur de manquer…
C’est si facile pour toi et les autres…
Vous n’avez pas mon corps, mes sens, mes fantômes…
(Tomas) : - Qu’avons-nous de plus que toi ?
Sais-tu au moins ce qui nous habite ?
Tu ne penses qu’à toi…
Étian : - Non…
Donne-moi cette force qui vous permet d’être debout...
Pourquoi êtes-vous déjà si éveillés ?
Ces siècles d’avance surprennent et envoûtent, pour parfois même étouffer les pauvres, les plus petits, impatients de vous retrouver.
Tu es dur, très dur avec nous, Yeph...
Pardonne-moi de te dire cela, mais je te juge souvent méprisant pour ceux qui n’ont pas ta volonté.
Tu draines une élite et tu écrases les faibles, sans aucune pitié.
Nous avons tous le droit à cette chance que tu ne nous accordes pas !
(Tomas) : - Étian, j’espère que tu te trompes.
Notre quête n’est certainement pas orientée vers l’élaboration d’une race supérieure de parfaits, de justes identiques…
Nous ne souhaitons pas vivre non plus comme dans la Cité ou sur nos Bases, où s’instaure la volonté de réguler un ensemble d’êtres productifs, géré pour le bien du peuple.
Nous ne croyons pas au surhomme…
Nous cherchons l’humain en évolution.
L’uniformité détruit ce qui fait le propre de l’homme qui n'existe que par ses différences : la perfection serait probablement la mort de la créativité !
Notre espérance, pour nous les exclus — rejetés de ce monde incapable d’accueillir notre sensibilité — c’est d’offrir à celles et ceux qui osent, la possibilité de s’éveiller à l’infinitude de l’imagination et du génie, malgré les limites humaines.
L’univers qui nous est propre, jaillit alors par ce que nous sommes enfin capables de créer.
Dans la notion d’art, il n’y a pas de hiérarchie, de premier ou de dernier.
Le pain du boulanger est aussi important que le diamant de l’orfèvre, s’ils ont tous deux été réalisés avec la conviction que c’est l'idée du beau qui se révèle de notre propre existence.
Si certains pensent que la nature a horreur du vide, je crois plutôt que c’est l'angoisse humaine qui l'affirme.
La planète sur laquelle nous tentons d’exister se suffit à elle-même…
Nous ne faisons que passer !
Celui qui n’a plus peur de ses peurs… du néant, serait en mesure de voir naître ce qu’il est, ou plutôt qui il est.
Le petit a sa place dans notre regard sur la vie, puisque nous sommes tous en demande de quelque chose que l’autre peut nous offrir.
Nous sommes tous le pauvre d'un autre, et le riche aussi…
La sincérité se donne à la pauvreté pour que jaillissent nos richesses, sans nous obliger nécessairement à être des mendiants d’amour.
Le peintre sait être sensible face au boulanger quant à sa capacité à produire le pain ; il est lui-même attentif au musicien composant une symphonie...
L’ensemble de nos différences réalise un univers illimité, infini, par notre propre monde posé, limité, qui se pose dans l’œuvre d’art.
Étian : - Mais je suis seul…
Et je te veux !
Je serais même prêt à tout pour conquérir ton consentement…
À tout !
Oui… je veux partager ton corps !
(Tomas) : - Pardon ?
Tu souhaites me dépecer ?
Ah, j’ai bien compris que tu m’adores… comme l’ogre ou le croyant pour son dieu[i]…
Tu veux me dévorer par amour primitif ?
Tu te trompes : je n'ai pas d'exclusivité, soit…
Cependant ma liberté se veut constructive dans la rencontre, sans poser de hiérarchie dans l'amour…
J'ai le droit d'avoir mes goûts et mes couleurs sans être contraint de tout partager.
Je ne partage pas.
J’aime et je donne…
Je reçois parfois !
Laisse-moi s'il te plaît…
Je ne souhaite pas faire l’amour avec toi.
L’amitié que je te porte n’est pas empreinte du désir de ton corps.
Je ne couche pas avec toute la Base !
Tu es insupportable de jalousie et tu veux tout posséder… pourtant ta soif presque obsessionnelle me plaît.
Elle te donnerait la force de te rendre à la source qu’il te plaira de faire jaillir, si tu canalises tes envies en désirs.
Sache que l’eau se présente dans un puits profond, voire très ou trop profond… selon la résistance de chacun au plaisir créateur.
Il n’est pas assuré qu’au premier essai, ou même au deuxième, le seau revienne débordant d’un breuvage limpide...
Beaucoup ont tenté de puiser sans parvenir jusqu’à l’eau.
Ils sont partis penauds ou furieux.
D’autres sont même tombés, en se penchant pour voir si c’était vrai, si l’effort n’était pas vain...
Les cailloux jetés par les suivants, par dépit, par dégoût, les auront tués sans leur avoir donné la chance de mourir noyés de quelques vérités !
C’est une aventure hors du temps, de l’espace, de la réalité du monde… que d’espérer parvenir un jour à l’eau de la fontaine[ii].
Il est très seul celui qui marche vers sa vérité !
Étian : - J’ai peur...
Tu ne me trouves pas suffisamment beau ?
J'ai si peur…
Et si tu avais dit oui ?
Peut-être aurais-je su m’abandonner ?
Peut-être n’irais-je pas au Plark ?
Tu me refuses ton aide…
Tu ne veux pas de mon amour.
(Tomas) : - Oui ! Absolument…
Tu es insupportable de mendicité.
Je ne supporte pas les mendiants d’amour.
Tu as peur de tout et surtout… de ta peur !
Cela te condamne à être malheureux.
Je n’ai rien contre toi.
Ma distance à ton égard, si tu n’étais pas si égocentré, tu la comprendrais…
Je n’ai hélas plus suffisamment d’énergie pour t’aimer en vérité… t’aider aussi avec mon corps, mon cœur et mon esprit.
Tu ne penses qu’à ta petite personne, sans te soucier de mon état.
Étian : - Mais, Yeph…
(Tomas) : - C’est bon…
Je n’ai rien dit…
Contente-toi donc de mon dialogue, je termine !
Alors, malgré ce besoin réel de te diriger vers ta propre source, tu ne te lèveras jamais si tu as peur de tes peurs.
Assis, regardant avec envie, jalousie ou mépris ceux qui ont osé se mettre debout et tenter d’avancer... tu pleureras pour un jour te noyer dans tes propres larmes, au Plark du Mont Rouge.
Étian : - J’aimerais vivre, tu sais... mais si à chaque fois qu’au prix d’une déchirure, je m’élance vers un refus… comment pourrais-je persévérer ?
(Tomas) : - Oui...
Étian : - Que faire alors ?
(Tomas) : - Aller au-delà de tes frustrations, de tes complexes, de tes hontes.
Tout cela est illusion, voilant ta propre existence, parce que tu ne t’aimes pas.
Oh, et puis… Cela suffit !
Cherche quelqu’un d’autre, à harceler, voilà tout.
La peur de tes peurs, c’est la perte de ta liberté.
Elle fige tes sens et te mêle aux médiocres du monde dans lequel tu te plonges, impuissant.
Ton besoin de sécurité a fait de toi l'esclave volontaire du système.
C’est insupportable.
Étian : - Non !
Je veux être heureux…
Et je t’aime !
Mais je suis si fragile, si sensible !
Comment ne pas céder au confort de la Cité ou des Bases ?
J'aurais trop peur de manquer…
C’est si facile pour toi et les autres…
Vous n’avez pas mon corps, mes sens, mes fantômes…
(Tomas) : - Qu’avons-nous de plus que toi ?
Sais-tu au moins ce qui nous habite ?
Tu ne penses qu’à toi…
Étian : - Non…
Donne-moi cette force qui vous permet d’être debout...
Pourquoi êtes-vous déjà si éveillés ?
Ces siècles d’avance surprennent et envoûtent, pour parfois même étouffer les pauvres, les plus petits, impatients de vous retrouver.
Tu es dur, très dur avec nous, Yeph...
Pardonne-moi de te dire cela, mais je te juge souvent méprisant pour ceux qui n’ont pas ta volonté.
Tu draines une élite et tu écrases les faibles, sans aucune pitié.
Nous avons tous le droit à cette chance que tu ne nous accordes pas !
(Tomas) : - Étian, j’espère que tu te trompes.
Notre quête n’est certainement pas orientée vers l’élaboration d’une race supérieure de parfaits, de justes identiques…
Nous ne souhaitons pas vivre non plus comme dans la Cité ou sur nos Bases, où s’instaure la volonté de réguler un ensemble d’êtres productifs, géré pour le bien du peuple.
Nous ne croyons pas au surhomme…
Nous cherchons l’humain en évolution.
L’uniformité détruit ce qui fait le propre de l’homme qui n'existe que par ses différences : la perfection serait probablement la mort de la créativité !
Notre espérance, pour nous les exclus — rejetés de ce monde incapable d’accueillir notre sensibilité — c’est d’offrir à celles et ceux qui osent, la possibilité de s’éveiller à l’infinitude de l’imagination et du génie, malgré les limites humaines.
L’univers qui nous est propre, jaillit alors par ce que nous sommes enfin capables de créer.
Dans la notion d’art, il n’y a pas de hiérarchie, de premier ou de dernier.
Le pain du boulanger est aussi important que le diamant de l’orfèvre, s’ils ont tous deux été réalisés avec la conviction que c’est l'idée du beau qui se révèle de notre propre existence.
Si certains pensent que la nature a horreur du vide, je crois plutôt que c’est l'angoisse humaine qui l'affirme.
La planète sur laquelle nous tentons d’exister se suffit à elle-même…
Nous ne faisons que passer !
Celui qui n’a plus peur de ses peurs… du néant, serait en mesure de voir naître ce qu’il est, ou plutôt qui il est.
Le petit a sa place dans notre regard sur la vie, puisque nous sommes tous en demande de quelque chose que l’autre peut nous offrir.
Nous sommes tous le pauvre d'un autre, et le riche aussi…
La sincérité se donne à la pauvreté pour que jaillissent nos richesses, sans nous obliger nécessairement à être des mendiants d’amour.
Le peintre sait être sensible face au boulanger quant à sa capacité à produire le pain ; il est lui-même attentif au musicien composant une symphonie...
L’ensemble de nos différences réalise un univers illimité, infini, par notre propre monde posé, limité, qui se pose dans l’œuvre d’art.
Étian : - Mais je suis seul…
Et je te veux !
Je serais même prêt à tout pour conquérir ton consentement…
À tout !
J’AVAIS BESOIN DE TOI
La mort semble le lot d’un amour où la gloire
Étrangle sans mesure un vain espoir perdu.
Rêve ou illusion ? Aurais-je pu le croire :
Imaginer saisir le triomphe attendu ?
Je ne connais de toi que l’ombre de ton frère…
Une étoile la nuit suffirait à mes pas
Mais tu n'es que silence au chant de ma prière !
Plus de guide, esseulé, tout me mène à trépas…
Vois, par ennui, je tombe : à l’enfer, j’appartiens.
Je m’use et me consume afin d’oublier l’ire
Car je quitterai seul un monde où tu détiens
Le souffle unique à tous mes vers : un cri, ce rire,
Que tu n’as pas voulu reconnaître pour miens !
J’avais besoin de toi ; je saurai te maudire…
Étrangle sans mesure un vain espoir perdu.
Rêve ou illusion ? Aurais-je pu le croire :
Imaginer saisir le triomphe attendu ?
Je ne connais de toi que l’ombre de ton frère…
Une étoile la nuit suffirait à mes pas
Mais tu n'es que silence au chant de ma prière !
Plus de guide, esseulé, tout me mène à trépas…
Vois, par ennui, je tombe : à l’enfer, j’appartiens.
Je m’use et me consume afin d’oublier l’ire
Car je quitterai seul un monde où tu détiens
Le souffle unique à tous mes vers : un cri, ce rire,
Que tu n’as pas voulu reconnaître pour miens !
J’avais besoin de toi ; je saurai te maudire…
Et d'un clic, vers
la sixième partie…
la sixième partie…
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© Le cycle de l'Austrel, tome second : Notre Sauveur, des écrits de Yves Philippe de Francqueville, pirate des mots et philanalyste. cinquième partie.
Auteur : Yves Philippe de Francqueville
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