© Le cycle de l'Austrel, tome second : Notre Sauveur, des écrits de Yves Philippe de Francqueville, pirate des mots et philanalyste. Quatrième partie.
Chris : - Pourquoi ne réponds-tu jamais à mes appels ?
Étian : - …
L’amour est enfant de Bohême[i], Chris…
Chris : - Depuis que je suis libéré de la greffe, j’aspire sincèrement à découvrir entre nous des liens qui seraient plutôt d’amitié.
Ce n’est pas exclusif…
Je ne suis pas jaloux non plus !
Je pensais que tu saurais te rapprocher de moi… alors que tu préfères ouvertement partir à la conquête de Tomas tout en me négligeant !
Étian : - Hélas, il me rejette…
Ah, pourquoi Tomas est-il si dédaigneux à mon égard ?
Il ne m’aime pas.
Chris : - Non.
Tu te trompes…
C'est toi qui méprises les autres… dont moi !
Tomas est en retrait de tous. Tu n’es pas une exception.
Il souffre.
Se montrer diminué lui semble insupportable.
Tu ne veux pas comprendre que l’ablation de la greffe seconde fut encore plus délicate pour lui.
Il y a des séquelles post-opératoires assez graves.
Étian : - Moins grave que toi…
Lui, c’est psychologique !
Chris : - Oui et non…
C’est maintenant bien physiologique.
Étian : - Es-tu médecin pour affirmer cela ?
Que sais-tu de l'humain ?
Que voudrais-tu prouver, avec tes diplômes inutiles sur la musique?
Cette passion est compréhensible dans ta situation — vu ton infirmité — mais comment oses-tu donner un quelconque avis sur la santé de Tomas ?
Chris : - Tu es toujours aussi monolithique, mon pauvre Étian !
Sans la musique, la vie serait bien fade[ii] !
Ce que je ne vois pas… peut-être suis-je capable de le sentir davantage, de l'entendre plus particulièrement…
Tomas est mon frère, tout comme Yeph.
Je saisis aujourd'hui bien mieux, avec le cœur, la beauté du monde… et l’amour qui nous unit, malgré mon handicap qui t'effraye.
Oui…
Et, de toutes les connaissances acquises, les plus importantes sont — à mes yeux de l'esprit — celles liées à la rencontre et à l'écoute…
À la recherche de l’amour humain.
Mes diplômes sur la musique ont peu de sens en effet.
C’est le travail de recherche et les découvertes me permettant de créer qui m’enrichissent davantage qu’un papier certifié qui pourrait valider des tricheries ou des mensonges et de la complaisance.
La sanction d'un examen n'assure pas l'honnêteté de l'élève ni celle du professeur.
Dans la Cité, nos maîtres nous enseignaient leur vérité… finalement très relative, qu'il nous fallait agréer de force.
Ici, sur les Bases, j'ai l'impression qu'il y a davantage le droit à la réflexion… même si cela me semble encore assez limité dans ce système dualiste.
Alors, j'ose te le dire : ce que la science ne peut pas prouver aujourd’hui, pourquoi faudrait-il le rejeter… le refuser ?
La logique de ton monde étriqué s'avère trop simpliste.
Mon organisme avait plutôt bien supporté la greffe seconde, mais c’était mon esprit qui refusait cette soumission à des principes qui tentaient d’ôter une part de ma liberté de penser.
Mes rêves furent plus forts[iii] !
Pour Tomas, la révolte a été double… peut-être triple, mais je ne saisis pas encore cette hypothèse : le corps a réellement développé une opposition radicale à cette intrusion chimique et électromécanique, que son esprit rejetait aussi.
L'étrange fut que son affect bouleversait toutes les données scientifiques, mais cela n'entrait pas en compte dans le champ d'investigation des apprentis sorciers travaillant pour l'Austrel.
Tomas a été l'objet d'expériences insupportables au nom d'une médecine qui se dit humaniste !
Je pense que les chirurgiens qui l’ont opéré sans relâche, l'ont utilisé comme cobaye…
Ils n’ont pas trouvé nécessaire un accompagnement psychologique…
Étian : - Tu vois…
Tu comprends que j’ai donc raison…
Ton frère est en dépression !
Chris : - Voilà ta force, cher Étian : tu ne gardes de l’écoute que les derniers mots d’un propos pour te forger une idée…
L'état de santé de Tomas fut certainement très mal diagnostiqué…
De plus, l'ablation de la greffe seconde a entraîné des dégâts physiologiques graves au niveau du cerveau.
Étian : - Je fais confiance aux médecins.
Laisse les personnes compétentes s’occuper de sa santé…
Chris : - Nous le condamnons alors à une mort certaine[iv] !
Étian : - Tu n’as aucun respect pour ces docteurs bardés de titres, qui ont étudié un si grand nombre d’années pour nous servir.
Chris : - Quelle certitude quant à leurs compétences ?
Tant que la médecine sera au service des états, des croyances et des financiers, je préfère me tenir au simple principe de précaution!
Étian : - C’est un comble : ils t’ont ôté la greffe seconde !
Chris : - Que d’autres ont su sans aucun complexe, m’implanter…
…Et ce sont les mêmes savants, thanatos de l'olympe — responsables des sanatoriums-ghettos — qui furent les acteurs de la Chalystime !
Un ou deux furent destitués pour l'exemple.
Ils sévissent encore dans les colonies avec les déportés, mais les autres — responsables d’une si longue liste de cadavres — nous soignent toujours ou font de la politique… au quotidien…
Comme Phil !
Étian : - Ce n’est pas faux…
Devons-nous cependant réaliser l’amalgame ?
Il y a de bons médecins.
Chris : - Absolument !
Certains sont même capables de soulager l’humanité… Le professeur Bruno en a d’ailleurs fait les frais…
J'ai su remercier aussi celui qui m'a ôté la greffe… malgré les séquelles…
Étian : - Ce n'est certainement pas de sa faute.
Tu devais avoir un problème bien avant…
Si tu es patient, je suis certain qu'ils trouveront une solution pour te soigner.
Chris : - Très patient alors… et disposé à servir de cobaye !
Ah, changeras-tu un jour, mon cher Étian ?
Sauras-tu évoluer, pour discerner le monde sous ton propre regard?
Oui, la médecine évolue…
Oui…
Il y a incontestablement des découvertes nouvelles ou des redécouvertes, après des périodes d'histoire plus troubles où l'on régresse dans l'art d'apprendre… cependant je ne déifie pas les hommes qui veulent nous rendre immortels comme ceux qui pensent être des sauveurs !
Je n’en ai jamais vu un seul médecin guérir qui que ce soit !
Étian : - Là, tu es vraiment de mauvaise foi !
Chris : - Ah, ah, ah !
Mon cher Étian…
Je prévoyais ta réponse…
Dans les temps anciens, lorsqu’un homme recouvrait la santé, une offrande était présentée à un dieu nommé Æsculape.
Intéressant, n’est-ce pas ?
Aujourd’hui, ces faux génies bien sûrs d’eux, se pensent au-dessus des dieux !
Hélas…
Pendant quelques millénaires, le soignant était à côté du malade.
Il avait même — dans certaines civilisations — un serment à prononcer et à respecter, afin de promettre d'être toujours au service du faible, et surtout de ne pas rechercher le pouvoir… en oubliant les devoirs.
Aujourd'hui, beaucoup de médecins sont des carriéristes politiques qui obéissent à un ordre totalitaire, au service des consortiums.
Ils nous considèrent comme de vulgaires machines à pièces interchangeables et sont de tristes distributeurs de médicaments.
Pour moi — au sanatorium — un professeur est payé pour s'inquiéter à trouver de nouveaux yeux adaptés… afin de restaurer cette défaillance qui fait désordre…
Il est très professionnel — certainement très compétent — mais jamais il ne s'est intéressé à ma sensibilité… à mes souffrances !
C'est à peine s'il se souvient de mon nom à chacune de mes visites…
Certes, tous ces grands professionnels savent s’approprier l’harmonisation parfois retrouvée du corps avec l’esprit.
Pourtant, ils oublient généralement l'importance de considérer notre humanité.
Cela aiderait fortement pour espérer une guérison relative.
Ils n'ont pas de cœur…
L’existence des malades est souvent prolongée sans lui offrir un sens[v] !
Il n’est peut-être pas important de vivre plus longuement si la qualité fait cruellement défaut.
De même, être sain ne nous empêchera pas de mourir !
Étian : - C’est vrai aussi.
Tu es redoutable, Chris.
Attention cependant de ne pas prôner le suicide !
Tu sais très bien qu'il est maintenant proscrit des lois du Nouvel Austrel !
Ne t’engouffre pas dans des histoires sordides qui te mettraient en conflit avec l’autorité !
Chris : - N’aies pas de crainte pour moi.
Depuis la nuit des temps, c'est une étrange envie — mise en action par certains — de provoquer la rencontre avec son propre néant…
Cette fuite en avant est davantage la conséquence du rejet d’une vaine appétence, face à l’absurde de l’instant.
Si nous ne trouvons pas de raison d’être, si la douleur est trop importante… si le handicap perturbe trop notre quotidien, où se trouve le sens de la vie lorsque l'on est — hagard — à errer dans la sousvie ?
Moi, j’aime la vie !
À nous — vivants — d’inviter celle ou celui qui se croit perdu définitivement dans son aquoibonisme, à ouvrir de nouvelles portes au plaisir et révéler son désir, plutôt que de le laisser se morfondre dans des espaces exigus…
Au fur et à mesure, la procrastination s'installe chez ceux qui perdent le désir et la volonté…
Leurs lieux de nonvie deviennent les antichambres de la mort.
À voir dramatiquement les murs de leurs cellules se rapprocher chaque jour… ils en font leurs tombeaux[vi].
Étian : - Alors le goût à la vie pourrait vaincre l'envie de mort ?
Comment y croire ?
Je voulais mourir et aimer Tomas[vii].
Je suis perdu.
J'ai besoin d'aide…
Tu penses vraiment qu’il est plus sage de prôner l'audace à la sécurité ?
Ne vaut-il pas mieux tout de même, faire confiance à cette autorité médicale lorsqu'elle nous assure le risque zéro ?
Si nous échouons dans cet espoir de réveiller le désir de vivre ?
Chris : - As-tu vu — comme j'ai pu l'entendre — cette foule de numéros, pauvres pantins perdus, entassés dans ces sanatoriums, attendant… sans plus savoir, que la mort veuille enfin d'eux ?
Ils n'ont plus de rêve…
Ils n’ont plus d'existence !
Vouloir le bonheur de tous, nous cache notre originalité.
J’estime que l’idée d’un seul, voire celle d’un groupe, peut être erronée faute d’éléments suffisants…
Je pense que la souffrance d'un être ne doit pas être oubliée par une médication ou un autre enfermement !
Il faut oser parler… s'exprimer et faire jaillir alors la souffrance…
Trop souvent la raison d’un système ou d’une société fut préférée à l’intérêt humain.
Beaucoup jouent avec les statistiques pour nous imposer une évidence générale, destructrice malheureusement pour l’individu.
C’est comme adopter un projet à la majorité…
En fait, il y a toujours l'autre partie qui est oubliée !
La pensée collective peut aussi être manipulée pour donner au peuple le choix de ses traîtres ou de ses héros.
On vote pour celui qui triche le mieux… et l'on abandonne sa liberté de penser par soi-même[viii].
L’expérience dramatique de Tomas m’a appris à ne pas suivre aveuglément une vérité sociétale qui n’est pas nécessairement la mienne.
Tomas est la victime d'un acharnement politique.
Pour essayer de trouver vainement comment détruire Yeph, ils ont massacré Tomas.
Je ne crois pas en la vérité !
Étian : - Il y en a pourtant qui sont universelles et immuables…
Chris : - Ah oui ?
Dis-moi…
Étian : - La Terre est ronde.
Elle tourne autour du Soleil !
Chris : - Qu’en sais-tu par toi-même[ix] ?
Et si cela était prouvé… depuis quand, et pour combien de millénaires encore ?
…Et à la vue de quelle dimension, à travers quel prisme ?
…En se positionnant sur quel point dans l’espace ?
Le Soleil se déplaçant dans sa galaxie à plus de 230 km/s, et la Terre, elle, se suffisant d’une vitesse de 30 km/s… sans savoir la rapidité à laquelle l’univers tend vers l’expansion… il est difficile de saisir cette idée de mouvement qui perd tout sens, face à l’infiniment grand… et l’infiniment petit !
Tu dois entendre enfin que l’espace-temps gère notre réalité.
Si je te dis que l’arbre est en fleur, tu peux aussi m’affirmer à vrai dire qu’il est en fruit : nous aurions simplement une saison de décalage…
Étian : - Tu es à bonne école.
Je m’incline.
J’ai beaucoup d’admiration pour toi, Chris…
Chris : - Tu ne m’aimes pas !
Étian : - Tomas, Yeph…
Chris : - Je sais.
Tu es plus à la recherche de maîtres à penser que d’amour !
Tu cherches un dominus…
Va donc voir Sako, Phil… ou même Érik ?
Yeph et Tomas sont des magisters… à côté de toi, dans une hiérarchie voulue horizontale !
Moi, je t’offre mon cœur et tu penses davantage à construire ta place dans une Base ou dans la Cité afin d’être plus proche de celles et ceux qui sauraient mieux t’instruire en ayant une autorité sur toi.
Je ne représente pour toi qu’un petit intermédiaire de faible intérêt.
Et mon handicap…
Étian : - Ne dis pas cela !
Tu comptes beaucoup pour moi, mais…
Je crois que j’aime plus Tomas.
Chris : - Trop facile !
Que veux-tu dire par le mot aimer ?
Accompagné d’un adjectif, il perd son sens premier.
Dois-tu te limiter, jouer exclusivement dans une seule partie ?
Tomas, Tomas…
Que connais-tu de lui ?
Et Yeph…
Dans la rencontre humaine, aimer ne se complète pas d’un supplétif ou d’un minorant.
Tu n’as que des propos rapportés.
Ton amour…
Est-ce de l'amour ?
C’est plutôt du commerce !
Se vouloir exclusif dans l'amour n'est pas de l'amour, c'est de la possession ou de l'emprisonnement.
Tu n’es pas dans l’affect, encore moins attentif au sensible… avec ce corps que tu frustres toujours autant !
Tu es devenu entité intellectuelle, pseudo pur esprit, qui attend tôt ou tard la chute !
Hélas, mon cœur bat pour toi.
Je sais d'expérience qu'il est possible de se donner à l'autre dans l'instant, sans que nous ne perdions notre unicité.
Je puis donc t'aimer et vivre ton amour si tu l'accueillais…
Et aimer Thalia en lui étant fidèle !
Étian : - Oh !
Tu tromperais Thalia pour moi ?
Chris : - Tromper…
C’est un mot sociétal absurde.
C’est « se tromper » qui est dramatique… ce que tu fais en ce moment.
La fidélité est dans l’instant avec l’amour qui nous porte au voyage, à la rencontre, et revenir sur notre île pour rassembler nos découvertes, s’en enrichir…
Reprendre de l’énergie.
Et repartir.
Aimer, ce n’est pas s’obliger à se regarder l’un l’autre…
Ce n’est pas non plus se limiter à regarder ensemble dans la même direction[x]…
Aimer, c’est pouvoir agrandir chaque jour notre champ de vision…
Devenir plus grands, plus beaux, plus forts… d’amour humain !
Toi, tu as refusé l'amour de Tomas pour Yeph… car tu voulais l'unique, le préféré… et comme Yeph s’éloignait, tu t’es rabattu sur Tomas…
Le sachant malade, tu reviens vers Yeph… sans jamais saisir ma présence aimante.
C’est étrange cette vie où chacun court après quelqu’un qui poursuit vainement un autre… qui en cherche encore un autre…
Hélas, personne n’ose se retourner pour saisir l’importance qu’il peut représenter.
Aimer semble plus complexe qu’un simple acte raisonné !
Je ne trompe pas Thalia en désirant t’aimer.
Étian : - Peut-être es-tu dans le vrai ?
Cependant, sommes-nous en mesure de comprendre cet art ?
J’apprécie ta compagnie mais savoir si j’ai envie de toi…
Es-tu celui que je cherche finalement ?
Chris : - C’est bien là où tu triches, Étian !
L'autre rencontré se lie à notre regard.
Il n'y a pas la bonne personne, mais celle que nous voulons projeter de notre attente !
Saurais-tu désirer être désiré par l'être qui te désire[xi] ?
Pour Tomas, tu ambitionnes plutôt — par sa conquête — d’atteindre l’amour de Yeph… et le gagner ou le combattre !
Étian : - Ne me parle plus de lui.
Il salit tout par son exhortation à vivre les désirs interdits.
Mon attirance pour Tomas n’est heureusement pas sexuée.
L’amitié et l’amour…
Chris : - Je dois être direct avec toi.
Le bonheur est aussi dans l’accueil de nos pulsions…
Étian : - Pourquoi ?
Tout le monde en aurait ?
Chris : - C’est vrai.
Je saurais même envisager la possibilité d’individus hors normalités qui présenteraient dans leurs constructions — cela doit être exceptionnel — l’absence de besoin physique[xii].
Il n’est en effet pas nécessaire d’être une entité angélique pour vivre différemment.
Étian : - Tu vois !
Chris : - Oui.
Reste à prouver ton originalité : que tu ne fausses pas ton désir, que tu ne te complaises pas en fait dans le mépris de tes élans de vie.
Ah…
Il y aurait tant de bonheur à les vivre !
Je saurais même sublimer certains de mes désirs à ton égard, si tu étais honnête, en ouvrant les bras à cette amitié, plutôt que d’opter pour une quête destructrice.
Tu tentes en vain de posséder des êtres qui se veulent libres !
Étian : - Tomas occulte tout.
Chris : - Il ne t’a pas rejeté !
Étian : - …En refusant que je l’aime ?
Chris : - Pas tout à fait.
La liberté des corps ne se gère pas nécessairement en interdit ou en frustration.
Tu as le droit aussi de nier tes désirs pour Tomas ou pour Yeph, comme pour moi…
Arrête aussi de vouloir diriger ton cœur…
Je regrette que tu n’aies pas voulu reconnaître que moi, je t’aimais.
L’avenir s’offrait à nous.
Étian : - Toi, tu es adoré par toutes et tous…
Moi, je ne suis pas capable de partager !
Chris : - Oui…Tu as bien raison !
Le partage n’existe pas…
Tu l'avoues enfin.
Ta quête est vaine…
Voilà la faiblesse qui forgera ta perte.
Ne me crois-tu pas en mesure de tout donner d’instant en instant ?
Je sais être vrai et entier auprès de celles et ceux que j’estime…
Je me donne en totalité à tous et à chacun. Sans principe d’exclusivité !
Étian : - J’ai beaucoup réfléchi pour me convaincre qu’il n’est pas possible de partager sans être perdant.
Je préfère me retirer du jeu de l'amour.
Chris : - Tu perds donc le jeu de la vie !
Et la Cité nous incite à diviser pour mieux régner.
C’est la recherche des croyances passées qui te dévie des chemins du plaisir.
Étian : - Non, Chris : je crois en cet amour d’amitié[xiii]…
Chris : - …Asexué ?
Étian : - Oui.
Chris : - Tu n’es pas pur esprit.
Plus jeunes, nous nous sommes aimés à corps perdus !
Étian : - Cela s’explique — sans culpabiliser outre mesure — par notre immaturité et notre ignorance du bien et du mal.
On n’est pas sérieux quand on est un enfant[xiv].
L’âge de raison nous fait entrer dans des espaces où nous nous devons de suivre scrupuleusement les interdits sociaux.
Chris : - Ah, oui ?
Tu veux parler de l’âge de la raison sociale où l’enfant apprend à se mentir et à mentir[xv], à se cacher, pour ne pas être massacré…
Où petit à petit alors se construisent les murs qui réduisent son espace créateur.
Étian : - Non.
La raison ne triche pas.
La loi est structurante.
C’est afin d’unifier chez l’enfant ses forces de paix et d’amour, pour le bonheur de tous !
Chris : - Je n’aime pas cette expression. Elle est porteuse de crainte : comme l'annonce d’une forme d’assujettissement.
Il est certainement préférable de s’attacher davantage à la considération de chacun sans imposer la peur d’une autorité verticale. Elle s’affirmerait alors par une hiérarchie généalogique temporaire, définie par la fonction, la génération, la connaissance à transmettre…
J'adhère au principe retrouvé d'un père et d'une mère — à côté de nous — le temps de notre croissance, de notre éducation.
Étian : - Tu nies alors le fondement de notre réalité d’êtres politiques ? Il y a pourtant bien naturellement ceux qui dirigent et ceux qui obéissent !
Chris : - Non !
Je rejette totalement cette hypothèse ancienne d’un faussaire nommé Aristote… ou peut-être des faussaires qui nous l’ont réécrit[xvi] !
Étian : - De quel droit affirmes-tu cela ?
Chris : - Là est ta faiblesse à poser une telle question.
Reste prisonnier, si tu le souhaites, de ton état monolithique et des ombres projetées sur le mur de la caverne.
Pour moi, libéré de la greffe seconde — sorti enfin de cette prison uniciste — je tente maintenant chaque jour de quitter le labyrinthe réducteur et fermé de cette idéologie binaire du bien et du mal.
Étian : - Hors de cette vision du monde, la société disparaîtrait.
Chris : - Sauf si l’homme devient, s’élève… s'éveille et se révèle, pour grandir dans son choix du plaisir…
Étian : - Impossible.
Nous sommes liés nécessairement à cette malédiction de la peur de demain.
La mort est une angoisse insurmontable.
Je ne veux pas être condamné pour avoir fauté.
Chris : - Tu m'évites, tu me rejettes et tu me tues par ce choix si désespérant de cette idée de la justice aveugle.
Elle est le bras d'un dieu tyrannique ou d’une oligarchie de potentats jouant aux dieux du Panthéon.
Ils coupent à l’envi les fils de nos destinées comme dans les tragédies raciniennes !
Étian : - Non.
Tu blasphèmes…
Il est Dieu juste et miséricordieux.
Attention !
Tu devras cependant un jour mesurer tes erreurs car notre existence a une finalité bien réelle : la mort.
Tu vas mourir, Chris.
À ce moment-là, la raison primera sur le corps.
Alors, ce grand soir, tu seras face à ton Créateur !
Quelle vie désordonnée ou sage pourras-tu présenter ?
Yeph t’a entraîné sur un à venir de perdition en t'incitant à jouir de l'instant sans préparer demain.
J’espère que tu te corrigeras… avant qu’il ne soit trop tard.
Chris : - Je me sais mortel…
C’est pour cela que j'ai l'impression, mon cher Étian, d'avoir l'éternité devant moi !
Et je ne me sens aucunement pécheur ou fautif de quoi que ce soit en aimant le beau et le plaisir !
Tes propos me montrent que tu es prêt au grand saut dans une prison dorée…
Hélas…
Veux-tu réellement rejoindre le Plark du Mont Rouge ?
Étian : - Oui.
Oui, les temps sont troubles.
Je suis si seul.
J'ai pris conscience de mes faiblesses.
Sans aide, je risque de commettre de graves bêtises et je ne veux pas me retrouver sous une sécurité médicamenteuse, comme tu me l'as fait comprendre.
Je sais hélas que c’est arrivé à beaucoup, qui pour un mal-être, une angoisse, ou une banale déprime — liés à un malheur ou une fragilité d’un instant — sont maintenant des zombies, drogués légalement pour leur « bien ».
Chris : - Le Plark est aussi une camisole…
Étian : - Non… c’est un lieu d’espérance.
Je suis très fragile et personne ne veut m'écouter dans ce monde égoïste et déshumanisé.
Pas d’espoir.
Trop de souffrances…
J'en ai assez de faire chaque jour des efforts que personne ne remarque.
Là-bas, je crois que je serai bien plus utile afin d'aider la communauté à se développer.
Le sens de la fraternité y prend toute sa beauté.
Chris : - Ah, l’effort est à bannir… sauf si tu souhaites te sacrifier pour nous ?
Étian : - Ce n'est pas vraiment un sacrifice : j'y gagnerai beaucoup de grâce.
Celui qui donne sa vie pour l'autre se sauve auprès du Créateur[xvii].
Chris : - Ne penses-tu pas davantage à ta sécurité plutôt qu'à ton salut ?
À quoi vas-tu servir, au Plark… enfermé ainsi ?
Étian : - Il y a la force subtile et incommensurable de la prière…
Yan a retrouvé un ouvrage sur des règles de vie d'il y a quelques siècles.
Ce qu'il m'en a décrit est très attrayant.
La communauté compte déjà plus de trente frères.
Sako, Phil et même Gil, cautionnent mon projet.
Chris : - J'ai lu ce livret.
Avec Emma et Pol, nous en avons discuté longtemps…
Tu ne vas pas rire tous les jours.
Le service, la méditation et la contemplation dans la sobriété !
Pas drôle…
Étian : - Je me sens prêt à cela.
Il y a tant à pardonner dans ce monde !
Les larmes réparatrices dans la prière !
Chris : - Ce que tu nommes "prière", je préfère lui attribuer un autre mot qui sense davantage ma vie… C'est le mot "amour".
Et je le place au milieu de la joie et du plaisir réparateur.
Oui, l'amour, c'est l'énergie la plus fantastique de l'univers, et c'est ce qui élève l'homme de l'animalité !
Étian : - Non…
C’est fini.
L'amour du prochain n'existe plus.
Il a perdu de sa pureté, de sa morale…
Ce qui était autrefois l’amour est maintenant source de souffrances, de perversités, de misères.
Je préfère me consacrer à la prière qui est chaste, sublime : elle élève l'humain vers la perfection angélique.
Toi aussi tu devrais te rallier à notre cause.
Viens avec moi au Plark du Mont Rouge.
Nous serions proches sans tricher.
Là-bas, ton amour serait vrai : pur et constructif.
Tu trouverais enfin le bonheur après tant d’épreuves, et ton handicap serait respecté.
Il faut beaucoup prier et pleurer pour redonner espoir à l'homme.
C'est par nos souffrances offertes gratuitement que nous serons graciés.
Sauvons ainsi le monde…
Par amour pour notre Créateur !
Chris : - C'est extraordinaire.
Tu cherches vraiment à t’affranchir d’une faute quelconque ?
Oui, tu veux te libérer de ce « mal » que vous autres fidèles d’un nouveau dieu tyrannique, nommez « péché »…
Vous rejetez alors la joie et le bonheur…
Et le plaisir.
Combien de cycles tiendras-tu dans cette prison dorée ?
Si je te retrouve à l’issue de cette vie cloîtrée, je n’aurai qu’une question à te poser : « Étian, qu’as-tu fait de ton corps ? »
Ah, si tu osais simplement aimer !
AMERTUME
Je suis là près de toi sans pouvoir t’embrasser…
Dans les arbres, le vent me nargue et fou, s’amuse :
Il ose rire alors qu’il saurait enlacer
Nos deux corps et notre âme à l’heure où vient la muse.
Il est temps, c’est le jour de me confier ta vie
Face à l'amour secret que tu n’as pas voulu.
Oui, j’écrirais l’histoire, elle serait assouvie
Par ton rire ou ces vers que nous nous étions lus.
La tempête se lève au chant de l’oiseau gris ;
L’orage en est la source où je mêle une larme
Avant de disparaître en choisissant cette arme.
Oublie un temps les lois, tout ce que tu appris,
Dévoile ta folie, éloigne ce silence
Imposé par ton cœur au cri de ma présence !
Dans les arbres, le vent me nargue et fou, s’amuse :
Il ose rire alors qu’il saurait enlacer
Nos deux corps et notre âme à l’heure où vient la muse.
Il est temps, c’est le jour de me confier ta vie
Face à l'amour secret que tu n’as pas voulu.
Oui, j’écrirais l’histoire, elle serait assouvie
Par ton rire ou ces vers que nous nous étions lus.
La tempête se lève au chant de l’oiseau gris ;
L’orage en est la source où je mêle une larme
Avant de disparaître en choisissant cette arme.
Oublie un temps les lois, tout ce que tu appris,
Dévoile ta folie, éloigne ce silence
Imposé par ton cœur au cri de ma présence !
Étian : - Non…
Non…
Tais-toi donc…
Ah !
Je ne souhaite pas profaner le sanctuaire que Dieu a remis entre mes mains.
Tu n’es pas l’être de lumière et de pureté que j’attends depuis dix-mille ans !
Ma chair ne sera pas souillée.
Oui…
Ni ma bouche, encore moins mon sexe, ah… ne doivent être salis par des êtres concupiscents comme toi.
Chris : - Oh, comme c’est joliment exprimé…
Pauvre frustré…
Tu n’es pas un ange !
Tôt ou tard tu feras la bête…
Écoute-moi encore un instant, sans risquer les flammes de l’enfer !
L'homme passe sa vie à lutter contre lui-même, contre l'autre.
Perdu dans les peurs de ses peurs… incapable de créer, il détruit, il massacre.
Soudain, prenant conscience dans sa solitude de sa médiocrité, de sa misère ou de sa maladie… il calcule tant bien que mal ses chances de s’en sortir par la meilleure des portes !
Il cherche des maîtres, des dieux… un troupeau pour s’y fondre.
L’individu n’existe plus… voici les hommes… comme des fourmis ou des abeilles !
Prisonniers dans le groupe, le clan, la tribu, la secte, la religion, la société…
Tous ensembles, se croyant plus forts, ils manifestent pour espérer le meilleur auprès des tyrans qu’ils ont parfois élus.
C’est alors qu’ils ont perdu leur liberté.
Il leur faut maintenant obéir…
Certains adeptes de la dernière heure — par un pari stupide[i] — achètent une conduite : des ailes leur poussent alors dans une volonté de rachat !
Vous autres, sentant que la mort ne vous épargnera pas davantage que vos victimes, êtes dans la crainte pour l'après.
Cette recherche du cloître est une sécurité illusoire.
Ton obsession de la pureté est un rejet de l’existence terrestre.
Nous sommes jeunes, Étian, j’espère que tu en es bien conscient?
Tu dois plonger tes mains dans l’argile et façonner l’être que tu attends.
Tôt ou tard les désirs seront plus forts que ta résignation… et tu risques de vivre ou de causer des drames !
Étian : - Non…
Je sais que je serai protégé du mal.
Tu dois me comprendre…
Comme Gil, je crois sincèrement au vrai Dieu du livre de Yan.
Ô Dieu d’amour !
J'ai eu l'appel.
Tout mon être s'est éveillé à une merveilleuse lumière.
Chris : - Notre Sauveur, enfin ?
Tant que nous sommes dans une quête de la survie alimentaire et procréatrice, il n'y a pas besoin de chercher un sens à la vie.
Depuis que nous sommes des bipèdes repus et qui s'ennuient lorsqu'il n'y a pas de guerre… nous devenons inquiets par l'inconnu de demain !
Alors nous posons des hypothèses sur une vie après la vie.
Alors la peur s'invite naturellement, puis la peur de notre peur, plus problématique.
Nous avons commencé tout d'abord par nous préoccuper d'enterrer nos morts, pour leur vouer petit à petit un culte, en finissant par préférer nous passionner pour les disparus en oubliant les vivants.
Aujourd'hui, les vieux croupissent seuls dans des mouroirs sordides alors que les funératoriums toujours plus grandioses, sont visités et fleuris chaque jour !
Tu as trouvé le vrai bon dieu…
Enfin !
Tu l'as ton Sauveur…
Tu n’es plus seul ?
Super !
C'est vraiment formidable…
Va t’enfermer en oubliant ceux qui sont vraiment seuls !
Étian : - Là… tu te moques de moi, Chris ?
Chris : - Oui… gentiment.
Que veux-tu…
J’analyse la situation : encore un dieu de plus sur la longue liste des olympes !
Un de plus qui jugera, condamnera et châtiera par la main souveraine de ses grands prêtres !
Les dix milliards d’âmes qui t’ont précédé dans les enfers, tombées pour la gloire d'un tout puissant… méritent-elles leur sort ?
La Chalystime en est l'apothéose…
Tu crois donc que c'est pour que s'accomplisse une œuvre supérieure à notre nature humaine ?
Étian : - Oui.
Certainement.
Nous ne sommes pas sur Terre comme les plantes et les animaux.
Notre vie se construit pour un après plus noble.
Il y a donc une justice divine.
Pour les mauvais — ceux porteurs du mal — les flammes de la géhenne sont assurées.
Les bons, les hommes respectueux des commandements et des préceptes, les adeptes de la pénitence… eux tous — reconnus par le signe — recevront le pardon et seront saufs, malgré la faute originelle qui nous a marqués de son sceau.
Chris : - C’est bien ce que je disais !
Et voilà…
On prend les mêmes, et on recommence…
Voilà ta belle raison de croire : pris de panique par ta fin certaine, tu envisages un futur salvateur avec tes tièdes semblables, au-delà de la mort…
…Pour toi, c’est donc un paradis assuré où les anges t’attendent pour chanter d’éternité la gloire d’une divinité…
Étian : - Pas pour toi ?
Chris : - Ah… Non.
Non… vraiment !
Si je me devais la moindre implication dans tes croyances ou d’autres, je pense que mon choix serait certainement de préférer l’enfer !
Non…
Tais-toi donc…
Ah !
Je ne souhaite pas profaner le sanctuaire que Dieu a remis entre mes mains.
Tu n’es pas l’être de lumière et de pureté que j’attends depuis dix-mille ans !
Ma chair ne sera pas souillée.
Oui…
Ni ma bouche, encore moins mon sexe, ah… ne doivent être salis par des êtres concupiscents comme toi.
Chris : - Oh, comme c’est joliment exprimé…
Pauvre frustré…
Tu n’es pas un ange !
Tôt ou tard tu feras la bête…
Écoute-moi encore un instant, sans risquer les flammes de l’enfer !
L'homme passe sa vie à lutter contre lui-même, contre l'autre.
Perdu dans les peurs de ses peurs… incapable de créer, il détruit, il massacre.
Soudain, prenant conscience dans sa solitude de sa médiocrité, de sa misère ou de sa maladie… il calcule tant bien que mal ses chances de s’en sortir par la meilleure des portes !
Il cherche des maîtres, des dieux… un troupeau pour s’y fondre.
L’individu n’existe plus… voici les hommes… comme des fourmis ou des abeilles !
Prisonniers dans le groupe, le clan, la tribu, la secte, la religion, la société…
Tous ensembles, se croyant plus forts, ils manifestent pour espérer le meilleur auprès des tyrans qu’ils ont parfois élus.
C’est alors qu’ils ont perdu leur liberté.
Il leur faut maintenant obéir…
Certains adeptes de la dernière heure — par un pari stupide[i] — achètent une conduite : des ailes leur poussent alors dans une volonté de rachat !
Vous autres, sentant que la mort ne vous épargnera pas davantage que vos victimes, êtes dans la crainte pour l'après.
Cette recherche du cloître est une sécurité illusoire.
Ton obsession de la pureté est un rejet de l’existence terrestre.
Nous sommes jeunes, Étian, j’espère que tu en es bien conscient?
Tu dois plonger tes mains dans l’argile et façonner l’être que tu attends.
Tôt ou tard les désirs seront plus forts que ta résignation… et tu risques de vivre ou de causer des drames !
Étian : - Non…
Je sais que je serai protégé du mal.
Tu dois me comprendre…
Comme Gil, je crois sincèrement au vrai Dieu du livre de Yan.
Ô Dieu d’amour !
J'ai eu l'appel.
Tout mon être s'est éveillé à une merveilleuse lumière.
Chris : - Notre Sauveur, enfin ?
Tant que nous sommes dans une quête de la survie alimentaire et procréatrice, il n'y a pas besoin de chercher un sens à la vie.
Depuis que nous sommes des bipèdes repus et qui s'ennuient lorsqu'il n'y a pas de guerre… nous devenons inquiets par l'inconnu de demain !
Alors nous posons des hypothèses sur une vie après la vie.
Alors la peur s'invite naturellement, puis la peur de notre peur, plus problématique.
Nous avons commencé tout d'abord par nous préoccuper d'enterrer nos morts, pour leur vouer petit à petit un culte, en finissant par préférer nous passionner pour les disparus en oubliant les vivants.
Aujourd'hui, les vieux croupissent seuls dans des mouroirs sordides alors que les funératoriums toujours plus grandioses, sont visités et fleuris chaque jour !
Tu as trouvé le vrai bon dieu…
Enfin !
Tu l'as ton Sauveur…
Tu n’es plus seul ?
Super !
C'est vraiment formidable…
Va t’enfermer en oubliant ceux qui sont vraiment seuls !
Étian : - Là… tu te moques de moi, Chris ?
Chris : - Oui… gentiment.
Que veux-tu…
J’analyse la situation : encore un dieu de plus sur la longue liste des olympes !
Un de plus qui jugera, condamnera et châtiera par la main souveraine de ses grands prêtres !
Les dix milliards d’âmes qui t’ont précédé dans les enfers, tombées pour la gloire d'un tout puissant… méritent-elles leur sort ?
La Chalystime en est l'apothéose…
Tu crois donc que c'est pour que s'accomplisse une œuvre supérieure à notre nature humaine ?
Étian : - Oui.
Certainement.
Nous ne sommes pas sur Terre comme les plantes et les animaux.
Notre vie se construit pour un après plus noble.
Il y a donc une justice divine.
Pour les mauvais — ceux porteurs du mal — les flammes de la géhenne sont assurées.
Les bons, les hommes respectueux des commandements et des préceptes, les adeptes de la pénitence… eux tous — reconnus par le signe — recevront le pardon et seront saufs, malgré la faute originelle qui nous a marqués de son sceau.
Chris : - C’est bien ce que je disais !
Et voilà…
On prend les mêmes, et on recommence…
Voilà ta belle raison de croire : pris de panique par ta fin certaine, tu envisages un futur salvateur avec tes tièdes semblables, au-delà de la mort…
…Pour toi, c’est donc un paradis assuré où les anges t’attendent pour chanter d’éternité la gloire d’une divinité…
Étian : - Pas pour toi ?
Chris : - Ah… Non.
Non… vraiment !
Si je me devais la moindre implication dans tes croyances ou d’autres, je pense que mon choix serait certainement de préférer l’enfer !
L’AUDACIEUX
Bien tranquille et serein,
À l’aube de la mort
Je prends ma valise.
Depuis si longtemps,
Pour ce grand voyage
Les dés sont jetés !
Je suis sûr de l’enfer…
Et puis devant l’entrée
Ma surprise est de taille
En voyant Lucifer
Me dire, ô, bel ami
Désolé c’est complet !
Va frapper chez le Pierre,
Ne sois pas affolé
Tu n'aurais pu mieux faire
Car il t’a bien noté !
Selon son bon vouloir
Il te souhaite chez lui.
Étonné de ce choix
J’allais à l’autre porte
Et face à cet apôtre
Qui fronçait les sourcils
Je me disais ma foi
Dois-je croire en la chance ?
Je me sais grand pécheur
Depuis que je suis né :
Chaque jour à toute heure
Tout me tente et je tombe,
Je succombe : oh… je jouis
Tout en étant perdu…
Aux dires de mes pères !
Comprenez ma surprise…
Que ferais-je là-bas
En son cher paradis ?
Il ouvre ainsi les bras
Au pardon, à l’ennui
Pour un vilain larron…
Le vieillard dit alors :
Sache mauvais sujet,
Que tout diable est menteur !
Il y a de la place
Pour toi dans la géhenne ;
Je puis te l’assurer…
Il a un peu pris peur,
C’est bien là sa faiblesse,
En voyant ton audace !
À l’aube de la mort
Je prends ma valise.
Depuis si longtemps,
Pour ce grand voyage
Les dés sont jetés !
Je suis sûr de l’enfer…
Et puis devant l’entrée
Ma surprise est de taille
En voyant Lucifer
Me dire, ô, bel ami
Désolé c’est complet !
Va frapper chez le Pierre,
Ne sois pas affolé
Tu n'aurais pu mieux faire
Car il t’a bien noté !
Selon son bon vouloir
Il te souhaite chez lui.
Étonné de ce choix
J’allais à l’autre porte
Et face à cet apôtre
Qui fronçait les sourcils
Je me disais ma foi
Dois-je croire en la chance ?
Je me sais grand pécheur
Depuis que je suis né :
Chaque jour à toute heure
Tout me tente et je tombe,
Je succombe : oh… je jouis
Tout en étant perdu…
Aux dires de mes pères !
Comprenez ma surprise…
Que ferais-je là-bas
En son cher paradis ?
Il ouvre ainsi les bras
Au pardon, à l’ennui
Pour un vilain larron…
Le vieillard dit alors :
Sache mauvais sujet,
Que tout diable est menteur !
Il y a de la place
Pour toi dans la géhenne ;
Je puis te l’assurer…
Il a un peu pris peur,
C’est bien là sa faiblesse,
En voyant ton audace !
Étian : - Tu parjures…
Chris : - Si peu !
L’humour est une qualité divine, non ?
Que de sérieux, Étian !
La pureté t’assombrit.
Je te vois incapable de vivre l'existence donnée par ta naissance et tu me demandes d'être heureux après la mort ?
Mon cher Étian, mon souci est de jouir de l’instant présent, c’est-à-dire peut-être, de comprendre pourquoi je suis né.
Ensuite, si quelque chose existe autrement que par cette non réalité, ce néant auquel je ne crois même pas… voilà une nouvelle aventure qu'il me faudra alors découvrir. J’aurai selon tes convictions toute l’éternité pour y penser.
Aujourd’hui, je choisis d'aimer…
Il y a aussi une part d’absurde, ou de rêve… mais j'ai du plaisir.
Je regrette sincèrement ta démarche qui nous sépare.
Reviens à une autre raison…
Étian : - Ce n’est plus possible.
J’ai donné ma parole.
Je suis convaincu du bien fondé de mon choix.
Dommage peut-être pour ce que je perds selon tes dires, pourtant je ne m'en inquiète guère.
Oui…
Comme l'après céleste sera merveilleux, le temps terrestre n'est que peu de chose.
La vie sert donc à préparer…
Chris : - …Folie !
Tu l'utilises à séparer…
Nous aurions pu construire tant de belles histoires…
Quel gâchis.
Étian : - Chris…
Chris… ne sois pas triste.
Entre dans mon raisonnement.
À toi de m'écouter…
Je ne prends pas l'habit, au Plark du Mont Rouge, sur un coup de tête.
C'est mûrement réfléchi avec Yan.
Le suicide de Laurie — victime de son orgueil — est d’un égoïsme destructeur ; comme les souffrances des violences et des combats qui ne cessent à travers la planète…
Tout cela nous a beaucoup éprouvé.
Sans être coupables, nous voilà tous un peu responsables de ces drames[i]…
Notre raison d’être, sur cette petite planète, est misérable car nous sommes manipulés par le Malin depuis beaucoup trop longtemps.
Il y a eu tant de faux prophètes qu'il était délicat de prendre une décision.
Maintenant, j'ai rencontré Notre Sauveur.
J'ai confiance en l'avenir puisque je crois en un monde meilleur, possible après la mort.
Pour y avoir droit, il est nécessaire de se préparer dès aujourd'hui — en espérant qu'il ne soit pas trop tard.
J’accéderai à la sagesse quels que soient les sacrifices.
Toi aussi tu as tes chances, si ta conversion s’annonce prompte et radicale.
Je connais ton cœur : il y a en toi beaucoup de bon que les forces démoniaques n'ont pas réussi à détruire.
Viens avec nous et tu auras la vie éternelle.
Tu ne t’engagerais comme moi que temporairement, restant libres de partir si notre cœur nous appelait ailleurs… avant de définitivement choisir.
Chris : - Ah oui ?
Entrer dans ces lieux infantilise… et rend fainéant, orgueilleux, déprimé ou stupide.
S’en échapper est quasi impossible.
Même dorée à l’or fin, une prison reste une prison.
Vous y entrez par une démonstration précise et beaucoup d’autres raisons vous imposent d’y rester.
Je préfère vraiment ne pas vous rejoindre !
Étian : - Hélas…
Je prierai pour toi Notre Sauveur.
Qu’il sache t'appeler pour libérer cet orgueil démesuré.
Si tu lui réponds, le pardon est possible !
Chris : - Bien !
Tu peux prier ton dieu et pleurer toutes les larmes de ton corps… ce programme de mortifications et de pénitence n'est pas pour moi.
Je ne souhaite sauver personne… pas même moi !
Je vais bien, avec mes soucis… j'aspire à la joie.
Le bonheur se construit parfois à travers quelques épreuves, mais il existe ici-bas.
Je crois à la lumière et non aux ténèbres.
C'est selon mes propres recherches, l'exemple d'amour, de jouissance et de liberté donnés qui porte du fruit pour l'instant présent.
L’après auquel tu aspires est un leurre à mes yeux, un outil pour le pouvoir en place… afin de tenir son peuple au calme[ii].
Ta notion du bien et du mal me paraît sans issue honnête.
Yeph parle souvent de nous permettre de trouver les moyens de briser nos chaînes… s’élever hors de ce mensonge, et devenir.
Étian : - Regarde donc dans quel état se trouve ton frère !
Yeph et ses proches vous invitent à la mort par leurs propos anarchistes.
Chris : - Tomas souffre hélas des dégâts causés par la greffe.
Yeph n’est pour rien dans sa souffrance…
Explique-moi comment, selon toi, la recherche de la liberté serait une volonté d'anarchisme ?
Étian : - Oui, le refus d'obéir, le non-respect des lois, la volonté de tout détruire, l'ignorance du bien et du mal… tout cela conduit nécessairement à la destruction d’une société, à la perte de l'homme.
Chris : - C’est possible.
Cependant l'anarchisme n'entre pas dans cette définition déstructurée et dénaturée de la vie.
Tu devrais un peu t'informer pour saisir que "l'interdit d'interdire" est davantage utilisé dans les démarches totalitaires.
L'anarchie, c'est une gestion horizontale des talents de chacun.
C'est une ouverture à la pluripossibilité.
Je préfère le choix d'une autre route à un chemin unique.
Qui peut m'imposer une quelconque vérité, sans me donner la possibilité de la remettre en question ?
Sous quel bon prétexte devrais-je abandonner ma capacité à penser et à décider ?
Qui est meilleur que moi pour savoir ce qui est bon pour moi ?
J'aime jouir et faire jouir, sans me détruire, sans massacrer l’autre… est-ce mal ?
Ah…
Que je puisse encore grandir et voir l’autre s’élever à ma rencontre!
Étian : - Tu es malheureusement devenu aussi dangereux — pour nos équilibres internes et externes — que ton gourou de maître…
Cette vision sectaire — fondée sur la recherche du plaisir — est redoutable.
Sako et Phil ont sauvé de justesse notre monde… je ne te laisserai pas te fourvoyer davantage.
Je n'ai que la prière pour t'aider…
Attention à toi, car je suis transparent en confession.
Sache ceci : les exclus auxquels tu sembles t’affilier — sous la protection de Yeph — n'auront bientôt plus le droit de se rendre sur les Bases.
Chris : - C'est vrai ?
Nous serons donc, certainement un jour… traqués comme des bêtes[iii] ?
Cependant, jusqu'à maintenant, personne n'a été inquiété.
Je crois que nous sommes plus subtils que la milice de Sako et de Phil…
Étian : - Plus malins… plus diaboliques en effet, hélas !
Je garde pourtant confiance quant à ta conversion.
Pour Yeph… il payera tôt ou tard.
Toute faute sera rachetée, même si le jugement se doit d’être terrible.
Chris : - Où est le crime ?
Yeph n'a pas refusé d'obéir.
Pour désobéir, d’ailleurs, faudrait-il encore avoir un dieu, un maître ou une quelconque autorité réclamant des comptes !
Il a souhaité voir sa liberté considérée…
Étian : - En fuyant devant l'ennemi, il s’est fourvoyé.
Chris : - Qui est l'ennemi ?
Étian : - Les forces de l'Archyeur restent une menace.
Il n’a pas repris sa place d’officier dans la surveillance et la protection.
La nation est en danger… tous nous devons êtres disponibles.
Absorber nos Bases est toujours dans le programme politique d’Érik.
Yeph le sait.
Chris : - Ah, si Yeph le sait !
Et toi, tu es donc dispensé de prendre les armes, car tu vas au Plark… Pas si bête.
Étian : - Tu ne peux pas comprendre…
Tu ne veux pas comprendre…
C’est un appel de Dieu…
Chris : - Oui, bien sûr.
Par quel ange cette fois ?
Que de messages révélés depuis des millénaires sans que nous puissions en entrapercevoir le visage du commanditaire !
Les dieux parlent à beaucoup dans les temps troubles.
À une jeune pucelle un dieu proposa même — par la voix de son ange — de prendre les armes pour bouter hors des frontières de son royaume, le voisin, un cousin aux ambitions gênantes[iv]…
Et à toi, il te conseille de te réfugier au Plark du Mont Rouge !
Et pendant ce temps là, les tyrans cautionnent !
Je ne connais que trop bien ce jeu du pouvoir pour le bonheur d'un peuple que l'on conduit à l'abattoir !
Votre analyse est toujours des plus simplistes.
Vous êtes les bons et les autres sont les mauvais.
Donc, détruisons le mal afin que le bien soit sauf, et qu'il continue à s’étendre avec vos idées…
Vous êtes les garants du bonheur des peuples qui se doivent d’élever bien haut vos couleurs de la vérité libérée, au prix de tant de sang versé !
Toi, tu cautionnes le fait que nous allions mourir pour défendre un idéal qui n’est pas le nôtre, tout en restant bien en sécurité dans ton Plark !
Étian : - Quoi de plus normal ?
Moi j’ai eu l’appel…
Chris : - Oui, c’est vrai !
Comme je comprends Yeph…
Que de bêtises, que de violences, que de morts !
Il a bien entendu refusé d’adopter les lois de l'Archyeur et de son Haut Conseil.
Cette exigence de rendre le peuple heureux en supprimant sa capacité au mal par une greffe cellulaire était contraire à la raison.
Yeph n'a pas combattu ceux qui fomentaient sa fin…
Il ne pensait pas la justice aussi corrompue.
Après la Rumeur, il les a laissés à leur sort sans chercher à se venger.
Le mépris — pour ces êtres détestables de « médiocritude » et de bassesse — était l'arme la plus forte afin de les réduire à néant.
Il s'est volontairement mis à l'écart de ce monde abject pour essayer de poursuivre sa route.
Beaucoup dont toi, Sako, Phil et les autres, après l'avoir adulé, suivi… vous l’avez rejeté et trahi, afin de ne pas être arrêtés par Frado.
Après, tu as su — sans t’excuser de ta lâcheté — le rejoindre au sein des Bases, trouvant l'Archyeur trop exigeant.
Vous avez formé grâce à Yeph, un Nouvel Austrel très proche finalement de celui quitté…
Étian : - Mais meilleur.
Chris : - Cela semble toujours plus vrai et réussi lorsque l'on est le petit chef de quelque chose, ou à l'initiative d'une pseudo-nouveauté…
Tant que vous étiez minoritaires, une harmonie naturelle existait avec la Cité…
Cependant, lorsque les Bases sont devenues à l'égal de la Cité de l'Archyeur, voire menaçantes, la force guerrière des deux parties s'est mise en action pour parvenir à l’équilibre d’aujourd'hui.
Étian : - Que veux-tu dire par cela ?
Chris : - …Que toute paix n'est que relative avant un nouveau conflit.
Dès que l'un se sent en mesure d'exterminer l'autre, l’animalité désespérante de l’homme se révèle encore.
Il y a plus d’humanité dans l’amour donné par beaucoup d’animaux entre eux et même à la rencontre des hommes, que dans l’attitude haineuse de ces bipèdes armés !
Étian : - C'est exact…
Tu as raison.
C'est donc bien pour éviter des guerres atroces et d’autres drames… que les frères prient et souffrent au Plark du Mont Rouge.
L'homme ne doit plus se battre pour préparer un monde heureux.
Je vais les rejoindre.
Viens avec moi !
Chris : - Ah ?
Quelle déception…
Quelle illusion !
Mes propos sont vains.
À quoi bon lutter contre une doctrine ?
L’amour est une arme bien faible face à la peur de vos peurs.
Va docilement vers ta prison dorée.
Plaise à ton Sauveur qu’il te laisse un jour ouvrir les yeux pour saisir que le beau existe au-delà des interdits.
M’oublieras-tu ?
Je t’aime toujours…
Chris : - Si peu !
L’humour est une qualité divine, non ?
Que de sérieux, Étian !
La pureté t’assombrit.
Je te vois incapable de vivre l'existence donnée par ta naissance et tu me demandes d'être heureux après la mort ?
Mon cher Étian, mon souci est de jouir de l’instant présent, c’est-à-dire peut-être, de comprendre pourquoi je suis né.
Ensuite, si quelque chose existe autrement que par cette non réalité, ce néant auquel je ne crois même pas… voilà une nouvelle aventure qu'il me faudra alors découvrir. J’aurai selon tes convictions toute l’éternité pour y penser.
Aujourd’hui, je choisis d'aimer…
Il y a aussi une part d’absurde, ou de rêve… mais j'ai du plaisir.
Je regrette sincèrement ta démarche qui nous sépare.
Reviens à une autre raison…
Étian : - Ce n’est plus possible.
J’ai donné ma parole.
Je suis convaincu du bien fondé de mon choix.
Dommage peut-être pour ce que je perds selon tes dires, pourtant je ne m'en inquiète guère.
Oui…
Comme l'après céleste sera merveilleux, le temps terrestre n'est que peu de chose.
La vie sert donc à préparer…
Chris : - …Folie !
Tu l'utilises à séparer…
Nous aurions pu construire tant de belles histoires…
Quel gâchis.
Étian : - Chris…
Chris… ne sois pas triste.
Entre dans mon raisonnement.
À toi de m'écouter…
Je ne prends pas l'habit, au Plark du Mont Rouge, sur un coup de tête.
C'est mûrement réfléchi avec Yan.
Le suicide de Laurie — victime de son orgueil — est d’un égoïsme destructeur ; comme les souffrances des violences et des combats qui ne cessent à travers la planète…
Tout cela nous a beaucoup éprouvé.
Sans être coupables, nous voilà tous un peu responsables de ces drames[i]…
Notre raison d’être, sur cette petite planète, est misérable car nous sommes manipulés par le Malin depuis beaucoup trop longtemps.
Il y a eu tant de faux prophètes qu'il était délicat de prendre une décision.
Maintenant, j'ai rencontré Notre Sauveur.
J'ai confiance en l'avenir puisque je crois en un monde meilleur, possible après la mort.
Pour y avoir droit, il est nécessaire de se préparer dès aujourd'hui — en espérant qu'il ne soit pas trop tard.
J’accéderai à la sagesse quels que soient les sacrifices.
Toi aussi tu as tes chances, si ta conversion s’annonce prompte et radicale.
Je connais ton cœur : il y a en toi beaucoup de bon que les forces démoniaques n'ont pas réussi à détruire.
Viens avec nous et tu auras la vie éternelle.
Tu ne t’engagerais comme moi que temporairement, restant libres de partir si notre cœur nous appelait ailleurs… avant de définitivement choisir.
Chris : - Ah oui ?
Entrer dans ces lieux infantilise… et rend fainéant, orgueilleux, déprimé ou stupide.
S’en échapper est quasi impossible.
Même dorée à l’or fin, une prison reste une prison.
Vous y entrez par une démonstration précise et beaucoup d’autres raisons vous imposent d’y rester.
Je préfère vraiment ne pas vous rejoindre !
Étian : - Hélas…
Je prierai pour toi Notre Sauveur.
Qu’il sache t'appeler pour libérer cet orgueil démesuré.
Si tu lui réponds, le pardon est possible !
Chris : - Bien !
Tu peux prier ton dieu et pleurer toutes les larmes de ton corps… ce programme de mortifications et de pénitence n'est pas pour moi.
Je ne souhaite sauver personne… pas même moi !
Je vais bien, avec mes soucis… j'aspire à la joie.
Le bonheur se construit parfois à travers quelques épreuves, mais il existe ici-bas.
Je crois à la lumière et non aux ténèbres.
C'est selon mes propres recherches, l'exemple d'amour, de jouissance et de liberté donnés qui porte du fruit pour l'instant présent.
L’après auquel tu aspires est un leurre à mes yeux, un outil pour le pouvoir en place… afin de tenir son peuple au calme[ii].
Ta notion du bien et du mal me paraît sans issue honnête.
Yeph parle souvent de nous permettre de trouver les moyens de briser nos chaînes… s’élever hors de ce mensonge, et devenir.
Étian : - Regarde donc dans quel état se trouve ton frère !
Yeph et ses proches vous invitent à la mort par leurs propos anarchistes.
Chris : - Tomas souffre hélas des dégâts causés par la greffe.
Yeph n’est pour rien dans sa souffrance…
Explique-moi comment, selon toi, la recherche de la liberté serait une volonté d'anarchisme ?
Étian : - Oui, le refus d'obéir, le non-respect des lois, la volonté de tout détruire, l'ignorance du bien et du mal… tout cela conduit nécessairement à la destruction d’une société, à la perte de l'homme.
Chris : - C’est possible.
Cependant l'anarchisme n'entre pas dans cette définition déstructurée et dénaturée de la vie.
Tu devrais un peu t'informer pour saisir que "l'interdit d'interdire" est davantage utilisé dans les démarches totalitaires.
L'anarchie, c'est une gestion horizontale des talents de chacun.
C'est une ouverture à la pluripossibilité.
Je préfère le choix d'une autre route à un chemin unique.
Qui peut m'imposer une quelconque vérité, sans me donner la possibilité de la remettre en question ?
Sous quel bon prétexte devrais-je abandonner ma capacité à penser et à décider ?
Qui est meilleur que moi pour savoir ce qui est bon pour moi ?
J'aime jouir et faire jouir, sans me détruire, sans massacrer l’autre… est-ce mal ?
Ah…
Que je puisse encore grandir et voir l’autre s’élever à ma rencontre!
Étian : - Tu es malheureusement devenu aussi dangereux — pour nos équilibres internes et externes — que ton gourou de maître…
Cette vision sectaire — fondée sur la recherche du plaisir — est redoutable.
Sako et Phil ont sauvé de justesse notre monde… je ne te laisserai pas te fourvoyer davantage.
Je n'ai que la prière pour t'aider…
Attention à toi, car je suis transparent en confession.
Sache ceci : les exclus auxquels tu sembles t’affilier — sous la protection de Yeph — n'auront bientôt plus le droit de se rendre sur les Bases.
Chris : - C'est vrai ?
Nous serons donc, certainement un jour… traqués comme des bêtes[iii] ?
Cependant, jusqu'à maintenant, personne n'a été inquiété.
Je crois que nous sommes plus subtils que la milice de Sako et de Phil…
Étian : - Plus malins… plus diaboliques en effet, hélas !
Je garde pourtant confiance quant à ta conversion.
Pour Yeph… il payera tôt ou tard.
Toute faute sera rachetée, même si le jugement se doit d’être terrible.
Chris : - Où est le crime ?
Yeph n'a pas refusé d'obéir.
Pour désobéir, d’ailleurs, faudrait-il encore avoir un dieu, un maître ou une quelconque autorité réclamant des comptes !
Il a souhaité voir sa liberté considérée…
Étian : - En fuyant devant l'ennemi, il s’est fourvoyé.
Chris : - Qui est l'ennemi ?
Étian : - Les forces de l'Archyeur restent une menace.
Il n’a pas repris sa place d’officier dans la surveillance et la protection.
La nation est en danger… tous nous devons êtres disponibles.
Absorber nos Bases est toujours dans le programme politique d’Érik.
Yeph le sait.
Chris : - Ah, si Yeph le sait !
Et toi, tu es donc dispensé de prendre les armes, car tu vas au Plark… Pas si bête.
Étian : - Tu ne peux pas comprendre…
Tu ne veux pas comprendre…
C’est un appel de Dieu…
Chris : - Oui, bien sûr.
Par quel ange cette fois ?
Que de messages révélés depuis des millénaires sans que nous puissions en entrapercevoir le visage du commanditaire !
Les dieux parlent à beaucoup dans les temps troubles.
À une jeune pucelle un dieu proposa même — par la voix de son ange — de prendre les armes pour bouter hors des frontières de son royaume, le voisin, un cousin aux ambitions gênantes[iv]…
Et à toi, il te conseille de te réfugier au Plark du Mont Rouge !
Et pendant ce temps là, les tyrans cautionnent !
Je ne connais que trop bien ce jeu du pouvoir pour le bonheur d'un peuple que l'on conduit à l'abattoir !
Votre analyse est toujours des plus simplistes.
Vous êtes les bons et les autres sont les mauvais.
Donc, détruisons le mal afin que le bien soit sauf, et qu'il continue à s’étendre avec vos idées…
Vous êtes les garants du bonheur des peuples qui se doivent d’élever bien haut vos couleurs de la vérité libérée, au prix de tant de sang versé !
Toi, tu cautionnes le fait que nous allions mourir pour défendre un idéal qui n’est pas le nôtre, tout en restant bien en sécurité dans ton Plark !
Étian : - Quoi de plus normal ?
Moi j’ai eu l’appel…
Chris : - Oui, c’est vrai !
Comme je comprends Yeph…
Que de bêtises, que de violences, que de morts !
Il a bien entendu refusé d’adopter les lois de l'Archyeur et de son Haut Conseil.
Cette exigence de rendre le peuple heureux en supprimant sa capacité au mal par une greffe cellulaire était contraire à la raison.
Yeph n'a pas combattu ceux qui fomentaient sa fin…
Il ne pensait pas la justice aussi corrompue.
Après la Rumeur, il les a laissés à leur sort sans chercher à se venger.
Le mépris — pour ces êtres détestables de « médiocritude » et de bassesse — était l'arme la plus forte afin de les réduire à néant.
Il s'est volontairement mis à l'écart de ce monde abject pour essayer de poursuivre sa route.
Beaucoup dont toi, Sako, Phil et les autres, après l'avoir adulé, suivi… vous l’avez rejeté et trahi, afin de ne pas être arrêtés par Frado.
Après, tu as su — sans t’excuser de ta lâcheté — le rejoindre au sein des Bases, trouvant l'Archyeur trop exigeant.
Vous avez formé grâce à Yeph, un Nouvel Austrel très proche finalement de celui quitté…
Étian : - Mais meilleur.
Chris : - Cela semble toujours plus vrai et réussi lorsque l'on est le petit chef de quelque chose, ou à l'initiative d'une pseudo-nouveauté…
Tant que vous étiez minoritaires, une harmonie naturelle existait avec la Cité…
Cependant, lorsque les Bases sont devenues à l'égal de la Cité de l'Archyeur, voire menaçantes, la force guerrière des deux parties s'est mise en action pour parvenir à l’équilibre d’aujourd'hui.
Étian : - Que veux-tu dire par cela ?
Chris : - …Que toute paix n'est que relative avant un nouveau conflit.
Dès que l'un se sent en mesure d'exterminer l'autre, l’animalité désespérante de l’homme se révèle encore.
Il y a plus d’humanité dans l’amour donné par beaucoup d’animaux entre eux et même à la rencontre des hommes, que dans l’attitude haineuse de ces bipèdes armés !
Étian : - C'est exact…
Tu as raison.
C'est donc bien pour éviter des guerres atroces et d’autres drames… que les frères prient et souffrent au Plark du Mont Rouge.
L'homme ne doit plus se battre pour préparer un monde heureux.
Je vais les rejoindre.
Viens avec moi !
Chris : - Ah ?
Quelle déception…
Quelle illusion !
Mes propos sont vains.
À quoi bon lutter contre une doctrine ?
L’amour est une arme bien faible face à la peur de vos peurs.
Va docilement vers ta prison dorée.
Plaise à ton Sauveur qu’il te laisse un jour ouvrir les yeux pour saisir que le beau existe au-delà des interdits.
M’oublieras-tu ?
Je t’aime toujours…
SOUVENIRS
J’aimerais te quitter sans larme, sans envie ;
N’avoir pour souvenir que ton rire ou tes vers...
Oublier la prière, offre qui m’a ravie
Sur ton visage clair ouvrant mon univers.
C’est mon lot, c’est mon dû, j’en ai pris l’habitude :
Une route sereine où j’erre résolu
De retrouver toujours l’antique solitude,
Unique compagnon que je n’ai pas voulu.
J’aimerais m’en aller loin d’ici, loin du monde,
Avec mon amertume et ton rêve d’élu
Pour écouter la muse assise au bord de l’onde.
Le chant de l’oiseau gris, ce message d’enfant…
Saura peut-être un soir, lorsque la lune est blonde
T’éveiller à la vie, au plaisir triomphant !
Fin de la quatrième partie
Et maintenant vous pouvez vous rendre
directement en un clic à
La cinquième partie…
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© Le cycle de l'Austrel, tome second : Notre Sauveur, des écrits de Yves Philippe de Francqueville, pirate des mots et philanalyste. Quatrième partie.
Auteur : Yves Philippe de Francqueville
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