© Le cycle de l'Austrel, tome second : Notre Sauveur, des écrits de Yves Philippe de Francqueville, pirate des mots et philanalyste. Deuxième partie.
Franch : - Salut !
Yeph : - Oui ?
Belle matinée, Franch ?
Franch : - Tu as constaté les dégâts dans ta cellule ?
La porte ferme difficilement !
Yeph : - Elle reste souvent ouverte.
Franch : - C’est vrai.
Cependant, avec une pareille lézarde sur le mur, cela doit créer quelques courants d’air.
Yeph : - Oui.
C’est dû aux secousses de la nuit dernière.
Franch : - En effet.
La nature est pleine d’imagination…
Tu ne m’as pas attendu trop longtemps ?
Yeph : - Je t’espérais.
Emma doit passer bientôt pour me parler de Tomas…
Franch : - Pourquoi ne vas-tu pas le retrouver ?
Yeph : - Il est libre.
Et toi, tu l’évites aussi semble-t-il ?
Voudrais-tu de même l’oublier ?
Franch : - Son état détruit progressivement tous les liens qui nous unissaient autrefois.
J’ai perdu mon ami… Il se dit même mort parfois.
Yeph : - Peut-être le suis-je finalement depuis longtemps ?
J’ai comme toi le sentiment d’un vide incommensurable…
Franch : - …Hum.
Tu composes toujours autant ?
Yeph : - Il est difficile de mesurer ce que nous gagnons sur le néant !
Je ne sais jamais si dans mes vers se reflètent quelques souvenirs perdus ou l’avenir espéré.
Chaque jour, c’est comme la page nouvelle d’un livre de chevet.
Franch : - C’est toi qui en traces les lignes…
Tu vis chaque jour comme s'il était le premier de ta vie…
Yeph : - Oui, mais cette œuvre existait peut-être avant moi ?
Du moins, je me l’imagine ainsi.
Tu vois, j’ai papier, stylos, ordinateur… pour rédiger et recopier ce qui me porte et me transporte hors du temps : hier ou demain…
…Et j’ai à chaque instant du présent le besoin brûlant d’achever cette quête de l’inutile.
Tout vient, tout passe et s'oublie… on retrouve et nous sommes effacés à nouveau de la mémoire des hommes !
Toi, tu sais peut-être pourquoi j’écris ?
Franch : - Je préfère me battre.
Yeph : - Avec toi-même.
Franch : - Contre la vie, contre la mort avec l’absurde !
Yeph : - J’ai dû aussi passer par cette étape, la subir même…
J'ai pris conscience que combattre est déjà une défaite[i] !
Je lutte encore un peu… pour le plaisir.
Maintenant, les sens m’invitent davantage à créer le monde dans lequel je savoure la promenade d'un rêveur solitaire[ii].
Franch : - Yeph, tu triches.
Dans cet univers, tu dois malgré toi transposer tout ce que tu hais.
Chaque étape de l’homme se retrouve confinée en toi-même et tes vers s’éteignent souvent dans la douleur.
Yeph : - Oui.
Cependant, quelle issue nous offrirais-tu si ce n’est la mort ?
Franch : - Ma quête est d’atteindre la source du néant[iii] : je me propose de ne plus être !
Non.
De ne pas être, c'est plus exact.
Je joue dans le rêve à me gausser de toutes les chimères actuelles: cette idée d’immortalité et la peur de demain, mélangées à la soif de sécurité, que l’on nomme ici… bonheur.
Yeph : - Bonheur…
Ah !
Cela me rappelle Ghils, au moment où lui fut confié l’encadrement de la Base du Mont Rouge.
Franch : - C’est vrai.
Il a dit : « je suis heureux ».
Yeph : - Ta mémoire semble toujours plus sélective, mon cher Franch…
Franch : - Peut-être suis-je à bonne école, mon cher Yeph ?
Yeph : - Certes.
Franch : - Puis-je lire ton œuvre en cours ?
Ah, bien…
J’aime.
C’est sur le jeu du temps et de l’amour, ce rêve éternel des cycles finis ou infinis, dépendant d’un simple regard :
DOUTES
Tout semble songes ?
Ce monde existe à chaque instant
Où mes passions vous ont créés.
Rien ne serait
Rien n’est vivant
Sans le mensonge du passé.
Soyez prêts à mourir,
Que naissent à présent
Quelques secondes d’avenir.
Tremblez,
Tremblez, frêles esquisses :
Encore un jour
Ou deux peut-être
Et mes propos
— Mon jeu de lettres --
Auront déjà, depuis des siècles,
Ôté du monde
Ôté du vent
L’illusion de votre vie.
Rien n’est de vous
Tout est de moi.
Un trait
Des mots
Fiction d’un rêve
Et puis voici que je m’éveille.
Tout semble songe.
Folie d’oser suivre mes pas,
Lire mes lèvres
Ou composer sur ma musique :
J’ai pu saisir au travers de mes nuits
L’assurance d’être achevé.
Cette harmonie donne à mon souffle
Une violence inégalable.
Je ne veux surtout pas de vous.
Il ne faudrait pas…
D’un regard…
Briser le rythme de mes vers,
Et ranimer le monstre
Afin d’offrir la vie
À qui conduit mes sens !
Lorsque vous exposez votre âme
Comme des proies que mon esprit dévore…
Je vous saisis
Pour me gaver sans fin.
Où mes passions vous ont créés.
Rien ne serait
Rien n’est vivant
Sans le mensonge du passé.
Soyez prêts à mourir,
Que naissent à présent
Quelques secondes d’avenir.
Tremblez,
Tremblez, frêles esquisses :
Encore un jour
Ou deux peut-être
Et mes propos
— Mon jeu de lettres --
Auront déjà, depuis des siècles,
Ôté du monde
Ôté du vent
L’illusion de votre vie.
Rien n’est de vous
Tout est de moi.
Un trait
Des mots
Fiction d’un rêve
Et puis voici que je m’éveille.
Tout semble songe.
Folie d’oser suivre mes pas,
Lire mes lèvres
Ou composer sur ma musique :
J’ai pu saisir au travers de mes nuits
L’assurance d’être achevé.
Cette harmonie donne à mon souffle
Une violence inégalable.
Je ne veux surtout pas de vous.
Il ne faudrait pas…
D’un regard…
Briser le rythme de mes vers,
Et ranimer le monstre
Afin d’offrir la vie
À qui conduit mes sens !
Lorsque vous exposez votre âme
Comme des proies que mon esprit dévore…
Je vous saisis
Pour me gaver sans fin.
Franch : - Eh bien !
Yeph : - Alors ?
Franch : - Ton univers vaut le mien.
Les secondes s’écoulent comme des ombres qui disparaissent dans le sablier géant du temps qui passe…
Tu vois s’achever les âmes… Je me réjouis, sans excuse, de tout massacre.
Ta violence dépasse certainement la mienne.
Peut-être saurais-je te retrouver ?
Tous les deux, nous reconnaissons l’exigence d’une harmonie ternaire pour espérer vivre.
Depuis la maladie de Tomas qui blesse son esprit, j’ai laissé le cœur au vestiaire.
Le détruire sera peut-être ma prochaine étape, si mon corps ne souhaite pas résister au monde dans lequel je suis confiné malgré moi.
Yeph : - Te faudrait-il plusieurs siècles pour percevoir de nouveau le goût d’aimer ?
Franch : - J’ai su attendre déjà quelques millénaires pour entrevoir une porte à ouvrir…
Yeph : - Et peut-être des générations et des générations ne te suffiront pas encore pour t’offrir de pénétrer dans un univers où…
Franch : - …Je sais.
Les blessures du cœur sont visibles avec le cœur[i]…
Je ne te demande pas de m'aider pour le moment.
Ah, ce parfum…
Chez toi, les fleurs sont toujours plus belles.
J’aime ta manière de composer les bouquets.
Yeph : - Voilà ma destinée : jouer.
Jouer avec une idée du beau, pour éveiller les sens…
Demain, de nouvelles fleurs prendront probablement la place de celles-ci.
Jugées arbitrairement laides ou fanées après un temps d’adoration, elles seront incinérées comme les précédentes… comme les suivantes ?
Aimer les fleurs et les cultiver… c'est une action plaisante que j’essaie de ne pas transformer en vaine habitude.
Chaque acte créateur me demande une démarche terrible de volonté et d'audace…
Même saisir le stylo n’a pas de signification propre…
Franch : - Tu continues cependant à composer.
Parce que le plaisir serait la centrale matricielle de ton intérêt premier ?
C’est accepter ainsi l’absurde d’une échéance future en se réjouissant de l’éphémère.
La quête de l'idée du beau ?
Yeph : - Je suis peut-être alors ?
J'existe ainsi…
Le jaillissement du néant m’offre la beauté du monde.
Toi, tu te complais dans la violence cachée de l’homme… Tu dévoiles sa vanité et tu le pousses à s’exterminer,
Est-ce afin d’assouvir une quête similaire ?
Franch : - Oui.
Certainement !
L’inutile s’avère notre lot commun, Yeph !
Le plus comique est que beaucoup se croient importants, à vouloir découvrir un message dans la lecture suivie de nos actes…
Yeph : - Ah, ah, ah !
Avec des grilles pour aider à la lecture, des statistiques et des probabilités ?
Demain, ces spécialistes analyseront tes faits et gestes à travers mes écrits pour se donner raison.
Tu seras décortiqué et jugé, par ce que j’aurai faussement révélé de toi !
Franch : - Ils créeront une école, des courants… avec des scissions !
Yeph : - La vie continuera sans nous : une disparition progressive de nos actes…
Des légendes surgiront peut-être ?
Franch : - Ton rêve ?
Bientôt dieu…
Yeph : - Hum…
J’aimerais certainement qu’il y ait mémoire…
Vanité des vanités[ii] !
Comment se libérer de ce goût terriblement humain pour l’immortalité ?
Oui !
Si les générations futures gardaient simplement deux ou trois questions comme : le beau saurait-il se suffire en plaisir et vivre ensemble ?
Ou : le beau existe-t-il hors des valeurs commerciales ?
Peut-il être nu d’idée alimentaire ou politique ?
Ah…
Le grand intérêt du beau dans son inutilité totale[iii] ?
Ma quête à fuir l’ennui d’une existence animale aboutit le plus souvent sur le bien-fondé dans l’acte de savourer un coucher de soleil, la lecture d’un roman, le regard perdu dans une œuvre… sans peur de l’instant d’après, où tout sera perdu[iv].
Le plaisir du château de sable sur la plage…
Tes actes — comme mes écrits — n’ont pas de sens commun dans une société aristotélicienne. Ils ne doivent surtout pas être revisités par les fantômes installés dans des systèmes politiques binaires.
Seuls les individus hors normalités sauront — s’il leur plaît — se nourrir de ces quelques lignes, afin d’apprendre à jouir pleinement du présent, pour bâtir en liberté un demain qui n’existe pas encore, sans souffrir aussi d’un passé triché.
Les autres trouveront mes écrits ridicules ou blasphématoires…
Franch : - Ah, ah !
Tu brilleras toujours davantage…
Certains encore voudront te suivre… d’autres tenteront de faire taire tes idées !
Tu devras alors déraisonner… le plaisir d'être aimé, détesté ou adoré te fera disjoncter…
Si tu prends la place du soleil, la jalousie s'installera pour faire écran !
Les ondes de charme se muent si vite en onde de choc lorsque l'ombre nous envahit[v]…
Brûle vite toute ton œuvre et suis ma vie[vi] !
Yeph : - Pardon ?
Franch : - …Et voilà comment ton état d’âme va bientôt se métamorphoser en idéologie sectaire.
Oui…
Dès demain, à la lecture de ces pensées libertaires, quelques louveteaux aux dents qui pointent — assoiffés de dominer leurs semblables — donneront le la qui créera des castes prétendues élitistes où tu feras figure — quelques temps — d’un sauveur attendu !
Les guerres ne cesseront pas !
Yeph : - Terrible, Franch !
Tu as raison !
Le danger n’est pas si loin : je tente chaque jour de balayer ce cauchemar.
J’aimerais sincèrement que mon rôle soit d’inviter à ce vain réveil, l’un ou l’autre, comme depuis des millénaires certains ont su le proposer…
Entre deux ruches : si nous trouvions quelques secondes de liberté à vivre ensemble ?
Tu donnes facilement le coup de pied fatidique… suis-je dans l’erreur, à laisser la marée garder son rôle : mettre fin aux illusions de l'enfant ?
Franch : - Difficile d’imaginer l’usage de tes recherches par les générations à venir…
Tant et tant d’opportunistes ont su utiliser la fragilité affective des êtres qui nous ressemblent, pour les entraîner dans des courants extrêmes aux parfums de fin de monde…
Yeph : - As-tu la moindre piste pour ne pas tomber dans ces pièges ?
Je travaille depuis si longtemps…
L’amour est un très faible souffle de sens.
Franch : - Tu dois peut-être limiter ton espérance ainsi ?
J’ai cru à ce rêve, je l’ai construit avec toi… sans m'en souvenir…
Cela m’offrait surtout du plaisir avec Tomas.
Grâce à toi.
Aujourd'hui, c'est un lointain passé surveillé, mais je ne regrette rien.
Je ne t'ai jamais dit vraiment merci pour ces merveilleux moments… cher Yeph !
Oui, merci mon ami…
Si je ne suis plus demain, que tu puisses l'entendre maintenant.
Yeph : - C'est vécu de même.
Ah, Franch… bel ami !
J'aime aussi te dire merci pour ces belles histoires vécues.
Hier est déjà bien loin en effet…
D’autres portes de vie pourraient prendre forme cependant ?
Franch : - Pourquoi ?
Je suis fatigué de voir régner la jalousie, la peur ou la bêtise.
L’homme casse avec passion les plaisirs de l’autre en multipliant les excuses ou les raisons sages !
Doit-on tout pardonner ?
Parfois, la lassitude rejoint l’ennui et la fin s’annonce comme salvatrice…
Ne sois pas triste, cher Yeph.
Ton amour subsiste en moi comme repoussoir au néant, mais la colère anime souvent le pantin que je suis.
Lorsqu’un être cher s’éloigne, qu’il disparaît petit à petit… les choix de vies se réduisent, ou s’annihilent.
Un seul être me manque et tout est dépeuplé[vii] !
La mort nous unira dans l’absurde.
Yeph : - Franch…
Franch : - Je sais…
Prends soin de toi et sois en paix. Je ne puis hélas, le désirer pour moi-même.
Ne m’oublie pas trop vite…
Un bon projet se fomente pour résoudre quelques-uns de nos soucis matériels… quant à la menace de surpopulation au sein des Bases et de la Cité.
Peut-être saurai-je finir en beauté ?
Yeph : - Tu as songé certainement à réveiller l’héroïsme du peuple?
Franch : - Tout à fait.
Il me faut agir vite.
Yeph : - À bientôt, Franch ?
JE L’AI VU S’EN ALLER
Je l’ai vu s’en aller dans le soir… incertain.
Son pas me semblait lourd et contre sa parole
Il n’y eut qu’une larme — une réponse folle --
À ces propos de mort sur ce regard hautain.
D’où venaient les désirs de mépris et de haine,
Ancrés au plus profond de ce si bel enfant ?
Déjà jour après jour — même s’il s’en défend --
Le mur sombre s’élève en un monstre de peine...
Il me laisse sans voix, me rejette… me fuit.
Je perçois dans son rire un reflet de la nuit
— Compagne de ses peurs, unique âme fidèle --
Étrangère à l’amour, au plaisir de nos vies.
Oh, saurais-je l’aimer, dévoiler ses envies ?
Magnifier la nature est ma quête éternelle !
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Merci beaucoup !
© Le cycle de l'Austrel, tome second : Notre Sauveur, des écrits de Yves Philippe de Francqueville, pirate des mots et philanalyste.
Auteur : Yves Philippe de Francqueville
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