© Le cycle de l'Austrel, tome second : Notre Sauveur, des écrits de Yves Philippe de Francqueville, pirate des mots et philanalyste. Troisième partie.
[La porte claque au départ de Franch, pour s’ouvrir doucement.
Le léger grincement suffit à Yeph pour l’informer d’une autre présence : un être semblable qui reste dans l’ombre de la pièce.]
Tomas : - Je sais, tu attendais Emma…
Yeph : - Oui.
Tomas : - Elle est avec Pol, en pleine lecture.
Yeph : - Ah ?
Penses-tu qu’ils apprécient ?
Tomas : - Probablement pas encore autant que moi.
La nuit dernière, tu as posé un vieux livre sur ma couche…
Yeph : - Est-ce pour cela que je puis enfin me réjouir de ta présence ?
On t’annonce si souvent mort[i].
Tomas : - C’est vrai.
Tu l’es aussi, peut-être ?
Je le conçois parfois d’ailleurs — dans la phase de l'affect, à ne plus savoir aimer — car ta disparition physique semblerait vraiment entraîner la mienne.
C’est à cause — notamment — de cette histoire des temps immémoriaux.
Je voudrais tant te détester, Yeph.
Yeph : - Je t’aime Tomas, tout autant que tu as su un jour aimer…
Tomas : - Tout resurgit parfois et tout s’efface de nouveau sans que je puisse fixer les souvenirs…
C'est l'enfer dans mon esprit.
Ce qui devait s'oublier — selon le bon vouloir de l'Archyeur — est solidement ancré dans mon corps.
Cependant, mon cœur meurtri par la suppression de la greffe — après la lobotomie chimique imposée par le CEI — m'éloigne de toi.
La douleur de te perdre définitivement me provoque une souffrance incommensurable. Je suis en pleine phase de dégénérescence cérébrale, comme c'est le cas de beaucoup des jeunes sélectionnés par le Centre.
Tout semble avoir été programmé pour que nous devenions les fidèles pions d'un système, avec un cerveau limité aux fonctions végétatives !
Une grande partie d'échec se prépare… il leur faut des forces vives.
C’est à peine perceptible, mais je le sais : d’ici peu, rien, plus rien dans ma mémoire ou dans mes sens ne me donnera la joie d’éprouver une unité quelconque avec toi… et pourtant…
J’ai parfois l’impression d’un retour.
Oh, il y a aussi le plaisir d’imaginer avoir déjà lu certaines œuvres… qu’il te plaît de me proposer !
…Hum.
Cette fois encore, la lecture des premiers chapitres fut suffisante.
Yeph : - Je t’écoute…
Tomas : - Non.
Ce serait une redite inutile dans notre parcours.
Même si je n’en ai plus le souvenir, il y a des traces trop profondes qui laissent un vide significatif.
Ce livre, nous l’avons déjà lu tous les deux avant le Grand Jour, j’en ai la certitude sans en avoir la mémoire.
Tu me l'offres en souvenir d'un amour, et j'en suis très touché.
Je sais ce qu'il représente à tes yeux sans pouvoir hélas, le conter.
Comment réussis-tu à obtenir tant de livres alors que les membres du Haut Conseil eux-mêmes sont persuadés de la disparition définitive de ces écrits ?
Yeph : - Ah…
Comme la plupart des habitants n’éprouvent plus le besoin de lire, ils perdent progressivement l'usage de la lecture[ii].
Il n’est donc pas nécessaire de leur rappeler quelques textes… dangereux.
Oublions ces œuvres où l’on décrit des préceptes, des plaisirs ou des idéaux moins sains, et même hors de la morale, au regard de tout ce qui est programmé par l’Austrel.
J’ai un certain nombre de lieux privilégiés pour mes réserves !
Quelques enfers oubliés[iii].
Tomas : - Avec la lecture, il nous reste encore la possibilité de rêver…
Yeph : - Et de revendiquer l’interdit… le sublimer parfois aussi, par héros interposés.
La littérature reste un moyen habile pour s’évader du monde, sortir des lois, des règles, et…
Tomas : - …Et avoir l’illusion d’exister ?
Heureusement qu’il me reste au moins cet échappatoire.
Je n’aurai pas le cœur à survivre ici…
Cependant, tu triches encore, Yeph.
Je m’en suis rendu compte très vite : tu orientes systématiquement le champ de ma lecture.
Tu préfères m’épargner ?
Me protéger, peut-être ?
J’aimerais pourtant sortir — parfois — de ces espaces de pensées.
Yeph : - J’espère sincèrement ne pas tricher.
J’adapte certainement les règles du jeu pour éviter que la partie soit perdue d’avance, et je place quelques handicaps afin d’équilibrer la partie… c’est tout.
Ces livres que je te donne ne sont pas les miens : ils sont de celles et ceux qui m’ont ouvert au monde et tantôt, de ceux qui m’y ont enfermé…
J’évite pour le moment, c’est sûr, de te confronter à quelques ouvrages négationnistes ou corrupteurs. Je t’épargne surtout les auteurs tièdes et les bien pensants. Je t’économise enfin du temps en osant l’esquive sur les sommes théologiques ou les travaux soi-disant historiques, conduisant à l’uniformisation humaine.
Tu seras bien entendu libre, lorsqu’il te plaira et que tu t'en estimeras assez fort, pour entrer dans ces espaces qui me font toujours peur…
Peut-être un soir aussi, souhaiteras-tu te pencher plus sérieusement sur ceux que j’ai moi-même écrits ?
Ce temps risque de ne jamais être, car tu ne veux pas admettre qu’il t’est possible de demeurer en paix, ici…
Tomas : - Non !
Il y a bien trop de contraintes.
Je ne saurai pas agir différemment, autrement que par le refus.
Vivre ici ?
Survivre ici, plutôt !
C’est me condamner comme lorsque j'étais dans la Cité.
Là-bas, nous étions formatés pour ne plus enfreindre les lois que je n’ai pas voulues.
La sousvie est similaire à la survie.
Je souhaitais vivre !
Je me perds et m'ennuie dans un univers que je ne reconnais plus.
Sur les Bases comme dans la Cité, je serai bientôt jugé pour désobéissance ou pour folie, et si je passe à la VMO…
Yeph : - Pardon ?
La VMO ?
Tomas : - …À la visite médicale obligatoire…
Cette nouvelle loi vient d’être votée soi-disant pour notre bien, avec toute une série de super vaccins à la clef… dont je refuse l’injection.
Rappelles-toi que Phil est médecin avant d’être un politique.
C’est dans son intérêt de décréter de telles lois !
Il nous fait peur avec la maladie pour que nous adhérions sans broncher[iv]… et c’est lui qui nous l’inculque…
Phil et Sako — avec le Nouvel Austrel — nous proposent un état soi-disant démocratique… mais c'est la copie conforme de la tyrannie de l'Archyeur !
J’aspire tant à être libre.
Il y a autre chose hélas : je me sens plus faible chaque matin.
Oui, ma route se limite de plus en plus aux rêves, à travers la lecture, la musique et d’autres paradis artificiels, où la violence et parfois l’amour ont aussi leur place.
Tu me donnes si peu de tout cela…
À peine de quoi espérer en avoir demain davantage… ou encore moins.
Yeph : - Parce que j’aimerais t’offrir un jour, une autre porte à ouvrir.
Celle-là te donnerait l’opportunité de ne plus être spectateur, mais acteur d’un monde où tu saurais te plaire, sans poursuivre ta déchéance.
Je perçois avec impuissance ce qui te ronge…
Ah… si tu étais en mesure de saisir nouvellement le beau ?
Tomas : - …Alors tu penses sincèrement qu’avant de perdre la raison, je recouvrerais ce qu’aimer signifie… pour toi ?
Mon esprit reste vif.
Mon désespoir est immense.
Je ne sais que décider de mon sort.
Si je suis découvert avec cette dépression qui s'accentue, les médecins des Bases — comme ceux de la Cité — vont craindre pour ma vie…
Le suicide est proscrit.
Ils pensent même l'avoir éradiqué !
La médication préventive s'impose systématiquement, dès que le moindre doute se présente.
Pour le bien de chacun… sans aucun doute !
Je pense que c'est davantage étudié pour éviter tout trouble de l'ordre public.
Il est vrai que cela ferait désordre dans ce monde bien huilé, des corps chutant des hautes tours d'habitation, s'écrasant au sol dans des mares sanguinolentes.
Plus de suicidé, soit… mais nous voyons augmenter la foule hagarde : ils s'exposent au public des contingents de zombies toujours plus nombreux… ou plutôt de sousvivants à l'encéphalogramme plat !
Leurs Pryzak, Valyoum, Zypruksa, Abolify et autres merveilleuses molécules nous créent une nouvelle cour des miracles.
Je pense que prochainement ces êtres massacrés par la science et qui font la fortune des consortiums pharmaceutiques seront parqués dans des sanatoriums afin de ne pas gâcher le paysage idyllique des Bases ou de la Cité…
Les staffs médicaux d'urgence font bien tout le nécessaire pour nous empêcher de nous donner la mort… en nous ôtant finalement la possibilité de vivre.
Yeph : - Oui.
Les camisoles chimiques — comme les camisoles physiques — protègent de la mort en détruisant la vie.
La sousvie me serait aussi insupportable !
J'aimerais tant trouver d'autres portes de vie !
Je ne sais pas comment j'agirais… devant une déchéance physique…
Peut-être aurais-je l'énergie suffisante pour survivre ?
Si je me sais aimé ?
Si je suis toujours en mesure d'aimer… au-delà des handicaps et de la souffrance ?
Charly a été un exemple pour moi ; Il a su profiter du meilleur de lui-même et s'est éteint en paix.
Il était jusqu'au dernier jour, conscient et intellectuellement vaillant.
Le corps n'en pouvait plus… Il souffrait parfois, mais je crois qu'il était bien vivant !
Il a accueilli le fait de partir — en laissant libre la nature — tout en refusant d'être "prolongé" artificiellement.
Peut-être saurais-je aussi agir ainsi ?
Cependant, je crains sincèrement que si je me trouvais en état de dégénérescence intellectuelle…
Tomas : - Comme moi ?
Yeph : - Oui.
Oui…
Ah… le sens de ma vie ?
Je ne saurais sousvivre !
Pour celles et ceux qui cherchent comme nous un sens à nos actes, ta situation blesse, angoisse.
Tomas : - …Ah…
Le sens de la vie !
C’est le thème de ton dernier recueil de poèmes.
Pol et Emma en lisaient ensemble, tout à l’heure.
Il y en a un qu’il m’a plu d’apprendre… et de retenir.
C’est toujours en mon pouvoir :
Yeph : - Oui.
Tomas : - Elle est avec Pol, en pleine lecture.
Yeph : - Ah ?
Penses-tu qu’ils apprécient ?
Tomas : - Probablement pas encore autant que moi.
La nuit dernière, tu as posé un vieux livre sur ma couche…
Yeph : - Est-ce pour cela que je puis enfin me réjouir de ta présence ?
On t’annonce si souvent mort[i].
Tomas : - C’est vrai.
Tu l’es aussi, peut-être ?
Je le conçois parfois d’ailleurs — dans la phase de l'affect, à ne plus savoir aimer — car ta disparition physique semblerait vraiment entraîner la mienne.
C’est à cause — notamment — de cette histoire des temps immémoriaux.
Je voudrais tant te détester, Yeph.
Yeph : - Je t’aime Tomas, tout autant que tu as su un jour aimer…
Tomas : - Tout resurgit parfois et tout s’efface de nouveau sans que je puisse fixer les souvenirs…
C'est l'enfer dans mon esprit.
Ce qui devait s'oublier — selon le bon vouloir de l'Archyeur — est solidement ancré dans mon corps.
Cependant, mon cœur meurtri par la suppression de la greffe — après la lobotomie chimique imposée par le CEI — m'éloigne de toi.
La douleur de te perdre définitivement me provoque une souffrance incommensurable. Je suis en pleine phase de dégénérescence cérébrale, comme c'est le cas de beaucoup des jeunes sélectionnés par le Centre.
Tout semble avoir été programmé pour que nous devenions les fidèles pions d'un système, avec un cerveau limité aux fonctions végétatives !
Une grande partie d'échec se prépare… il leur faut des forces vives.
C’est à peine perceptible, mais je le sais : d’ici peu, rien, plus rien dans ma mémoire ou dans mes sens ne me donnera la joie d’éprouver une unité quelconque avec toi… et pourtant…
J’ai parfois l’impression d’un retour.
Oh, il y a aussi le plaisir d’imaginer avoir déjà lu certaines œuvres… qu’il te plaît de me proposer !
…Hum.
Cette fois encore, la lecture des premiers chapitres fut suffisante.
Yeph : - Je t’écoute…
Tomas : - Non.
Ce serait une redite inutile dans notre parcours.
Même si je n’en ai plus le souvenir, il y a des traces trop profondes qui laissent un vide significatif.
Ce livre, nous l’avons déjà lu tous les deux avant le Grand Jour, j’en ai la certitude sans en avoir la mémoire.
Tu me l'offres en souvenir d'un amour, et j'en suis très touché.
Je sais ce qu'il représente à tes yeux sans pouvoir hélas, le conter.
Comment réussis-tu à obtenir tant de livres alors que les membres du Haut Conseil eux-mêmes sont persuadés de la disparition définitive de ces écrits ?
Yeph : - Ah…
Comme la plupart des habitants n’éprouvent plus le besoin de lire, ils perdent progressivement l'usage de la lecture[ii].
Il n’est donc pas nécessaire de leur rappeler quelques textes… dangereux.
Oublions ces œuvres où l’on décrit des préceptes, des plaisirs ou des idéaux moins sains, et même hors de la morale, au regard de tout ce qui est programmé par l’Austrel.
J’ai un certain nombre de lieux privilégiés pour mes réserves !
Quelques enfers oubliés[iii].
Tomas : - Avec la lecture, il nous reste encore la possibilité de rêver…
Yeph : - Et de revendiquer l’interdit… le sublimer parfois aussi, par héros interposés.
La littérature reste un moyen habile pour s’évader du monde, sortir des lois, des règles, et…
Tomas : - …Et avoir l’illusion d’exister ?
Heureusement qu’il me reste au moins cet échappatoire.
Je n’aurai pas le cœur à survivre ici…
Cependant, tu triches encore, Yeph.
Je m’en suis rendu compte très vite : tu orientes systématiquement le champ de ma lecture.
Tu préfères m’épargner ?
Me protéger, peut-être ?
J’aimerais pourtant sortir — parfois — de ces espaces de pensées.
Yeph : - J’espère sincèrement ne pas tricher.
J’adapte certainement les règles du jeu pour éviter que la partie soit perdue d’avance, et je place quelques handicaps afin d’équilibrer la partie… c’est tout.
Ces livres que je te donne ne sont pas les miens : ils sont de celles et ceux qui m’ont ouvert au monde et tantôt, de ceux qui m’y ont enfermé…
J’évite pour le moment, c’est sûr, de te confronter à quelques ouvrages négationnistes ou corrupteurs. Je t’épargne surtout les auteurs tièdes et les bien pensants. Je t’économise enfin du temps en osant l’esquive sur les sommes théologiques ou les travaux soi-disant historiques, conduisant à l’uniformisation humaine.
Tu seras bien entendu libre, lorsqu’il te plaira et que tu t'en estimeras assez fort, pour entrer dans ces espaces qui me font toujours peur…
Peut-être un soir aussi, souhaiteras-tu te pencher plus sérieusement sur ceux que j’ai moi-même écrits ?
Ce temps risque de ne jamais être, car tu ne veux pas admettre qu’il t’est possible de demeurer en paix, ici…
Tomas : - Non !
Il y a bien trop de contraintes.
Je ne saurai pas agir différemment, autrement que par le refus.
Vivre ici ?
Survivre ici, plutôt !
C’est me condamner comme lorsque j'étais dans la Cité.
Là-bas, nous étions formatés pour ne plus enfreindre les lois que je n’ai pas voulues.
La sousvie est similaire à la survie.
Je souhaitais vivre !
Je me perds et m'ennuie dans un univers que je ne reconnais plus.
Sur les Bases comme dans la Cité, je serai bientôt jugé pour désobéissance ou pour folie, et si je passe à la VMO…
Yeph : - Pardon ?
La VMO ?
Tomas : - …À la visite médicale obligatoire…
Cette nouvelle loi vient d’être votée soi-disant pour notre bien, avec toute une série de super vaccins à la clef… dont je refuse l’injection.
Rappelles-toi que Phil est médecin avant d’être un politique.
C’est dans son intérêt de décréter de telles lois !
Il nous fait peur avec la maladie pour que nous adhérions sans broncher[iv]… et c’est lui qui nous l’inculque…
Phil et Sako — avec le Nouvel Austrel — nous proposent un état soi-disant démocratique… mais c'est la copie conforme de la tyrannie de l'Archyeur !
J’aspire tant à être libre.
Il y a autre chose hélas : je me sens plus faible chaque matin.
Oui, ma route se limite de plus en plus aux rêves, à travers la lecture, la musique et d’autres paradis artificiels, où la violence et parfois l’amour ont aussi leur place.
Tu me donnes si peu de tout cela…
À peine de quoi espérer en avoir demain davantage… ou encore moins.
Yeph : - Parce que j’aimerais t’offrir un jour, une autre porte à ouvrir.
Celle-là te donnerait l’opportunité de ne plus être spectateur, mais acteur d’un monde où tu saurais te plaire, sans poursuivre ta déchéance.
Je perçois avec impuissance ce qui te ronge…
Ah… si tu étais en mesure de saisir nouvellement le beau ?
Tomas : - …Alors tu penses sincèrement qu’avant de perdre la raison, je recouvrerais ce qu’aimer signifie… pour toi ?
Mon esprit reste vif.
Mon désespoir est immense.
Je ne sais que décider de mon sort.
Si je suis découvert avec cette dépression qui s'accentue, les médecins des Bases — comme ceux de la Cité — vont craindre pour ma vie…
Le suicide est proscrit.
Ils pensent même l'avoir éradiqué !
La médication préventive s'impose systématiquement, dès que le moindre doute se présente.
Pour le bien de chacun… sans aucun doute !
Je pense que c'est davantage étudié pour éviter tout trouble de l'ordre public.
Il est vrai que cela ferait désordre dans ce monde bien huilé, des corps chutant des hautes tours d'habitation, s'écrasant au sol dans des mares sanguinolentes.
Plus de suicidé, soit… mais nous voyons augmenter la foule hagarde : ils s'exposent au public des contingents de zombies toujours plus nombreux… ou plutôt de sousvivants à l'encéphalogramme plat !
Leurs Pryzak, Valyoum, Zypruksa, Abolify et autres merveilleuses molécules nous créent une nouvelle cour des miracles.
Je pense que prochainement ces êtres massacrés par la science et qui font la fortune des consortiums pharmaceutiques seront parqués dans des sanatoriums afin de ne pas gâcher le paysage idyllique des Bases ou de la Cité…
Les staffs médicaux d'urgence font bien tout le nécessaire pour nous empêcher de nous donner la mort… en nous ôtant finalement la possibilité de vivre.
Yeph : - Oui.
Les camisoles chimiques — comme les camisoles physiques — protègent de la mort en détruisant la vie.
La sousvie me serait aussi insupportable !
J'aimerais tant trouver d'autres portes de vie !
Je ne sais pas comment j'agirais… devant une déchéance physique…
Peut-être aurais-je l'énergie suffisante pour survivre ?
Si je me sais aimé ?
Si je suis toujours en mesure d'aimer… au-delà des handicaps et de la souffrance ?
Charly a été un exemple pour moi ; Il a su profiter du meilleur de lui-même et s'est éteint en paix.
Il était jusqu'au dernier jour, conscient et intellectuellement vaillant.
Le corps n'en pouvait plus… Il souffrait parfois, mais je crois qu'il était bien vivant !
Il a accueilli le fait de partir — en laissant libre la nature — tout en refusant d'être "prolongé" artificiellement.
Peut-être saurais-je aussi agir ainsi ?
Cependant, je crains sincèrement que si je me trouvais en état de dégénérescence intellectuelle…
Tomas : - Comme moi ?
Yeph : - Oui.
Oui…
Ah… le sens de ma vie ?
Je ne saurais sousvivre !
Pour celles et ceux qui cherchent comme nous un sens à nos actes, ta situation blesse, angoisse.
Tomas : - …Ah…
Le sens de la vie !
C’est le thème de ton dernier recueil de poèmes.
Pol et Emma en lisaient ensemble, tout à l’heure.
Il y en a un qu’il m’a plu d’apprendre… et de retenir.
C’est toujours en mon pouvoir :
Enfermé dans la tour au sommet du château,
Une odeur de vieux cuir pour unique compagne…
Emmitouflé, serré dans un vaste manteau,
J’étouffe le désir de m'enfuir de ce bagne.
Je ne saurais quitter cet antre où j'ai grandi :
Le monde du dehors maudirait ma nature
Et, sans rêve je crains de trouver affadi,
Ce que je crois de l'homme à travers la lecture...
Au fil de mes saisons, ce passé que j’encense
A forgé ma raison, pour bâtir tous mes vers.
Me voici comme infirme : ils voilent ma naissance !
Peut-être aurai-je un soir à l’ombre de ma vie,
L’illusion du jour où tu seras ravie
D’animer notre quête et saisir l'univers.
Une odeur de vieux cuir pour unique compagne…
Emmitouflé, serré dans un vaste manteau,
J’étouffe le désir de m'enfuir de ce bagne.
Je ne saurais quitter cet antre où j'ai grandi :
Le monde du dehors maudirait ma nature
Et, sans rêve je crains de trouver affadi,
Ce que je crois de l'homme à travers la lecture...
Au fil de mes saisons, ce passé que j’encense
A forgé ma raison, pour bâtir tous mes vers.
Me voici comme infirme : ils voilent ma naissance !
Peut-être aurai-je un soir à l’ombre de ma vie,
L’illusion du jour où tu seras ravie
D’animer notre quête et saisir l'univers.
Yeph : - “PEUT-ÊTRE AURAI-JE UN SOIR…”
Il est écrit en souvenir de cette sensible demoiselle dont je t'ai souvent conté la triste belle histoire.
La croiserai-je de nouveau ?
Tomas : - …Avant qu’il ne soit bien tard ?
Certainement !
Je crois en elle.
Oui, Ivan saura te révéler… et par son amour, te protéger de toi-même…
Avec elle, tu sauras davantage nous comprendre et nous aimer.
© Le cycle de l'Austrel, tome second : Notre Sauveur, des écrits de Yves Philippe de Francqueville, pirate des mots et philanalyste. Troisième partie.
Auteur : Yves Philippe de Francqueville
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